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Même après toutes ces années - la première trace discographie du duo new-yorkais formé par l’envoûtante Jennifer Charles (elle chanterait l’annuaire, on tomberait malgré tout à ses pieds) et le guitariste Oren Bloedow remontant à 1996 - la magie opère toujours, comme si Elysian Fields avait trouvé la clef de l’intemporalité : les ballades rock folk urbaines teintées de blues et de jazz, portées par le chant sensuel et réverbéré de Jennifer, sont au rendez-vous, et que dire de la production particulièrement soignée, qui met en relief aussi bien le dépouillement (magnifique « Alone In The Desert ») que les arrangements classieux (« Crows Over Cornfields ») et autres envolées de toute beauté (le refrain de « Julien »).

Pour mettre en scène son treizième album, le duo s’est installé à Red Hook, quartier de Brooklyn en bordure de l’Upper Bay, ayant tout le loisir durant la pandémie d’observer l’exode de la population vers des ailleurs plus riants. Ainsi, les douze titres de « Once Beautiful Twice Removed » peuvent se percevoir comme un road trip lysergique – il y a du Mazzy Star dans « Elegance To Forgetting », du Tarnation dans « Gone South », du Swell dans le bruitiste et clamé à deux voix « Let It Spin Out » : l’Amérique du très bon goût.

La présence de pointures telles que le bassiste James Genus (Chick Corea, Herbie Hancock, Daft Punk) et le batteur Tony Leone (Jim White, Bruce Springsteen, Little Feat) apportent une certaine rondeur à des compositions qui n’ont d’underground que l’audience relative dont bénéficie notre duo new-yorkais préféré. Dans un monde équitable, Lana Del Rey serait serveuse dans un dinner et c’est Elysian Fields qui passerait à la radio, tandis que sur la route les automobilistes fuyant New-York, pris au piège d’interminables bouchons, rêveraient de milk-shakes et de hamburgers graisseux.