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O, joie ! L’année dernière, j’avais tardivement chroniqué le merveilleux Gift, sorti quelques mois auparavant et dont l’accueil critique unanime en louait les grandes qualités, au point d’en faire un classique immédiat, à ranger entre Bob Dylan et les early Herman Düne. Quittant au début des 2010s la pluvieuse Sheffield pour les grises rives parisiennes, Nick Wheeldon s’est lancé à corps perdu dans le game, en solo et en groupe (39th & the Nortons, Nick & Alizon, Sex Sux : la liste est longue), soit grosso modo une vingtaine de disques en une décennie, très impressionnant. Et donc cette fois, zéro procrastination, je prends le train au moment où le contrôleur siffle le départ d’un nouveau voyage en terres pop folk : Waiting For The Piano To Fall, publié par Le Pop Club Records (Kacimi, Wendy Martinez, Trumpets of Consciousness), est le troisième volet d’un triptyque consacré à la capture de l’éphémère, photographie acoustique des moments passés et perdus, enregistré en moins d’une semaine avec l’aide de The Living Paintings, dont le patronyme fait office de programme – concomitance de la création et de la performance live. Ce super-groupe, formé pour l’occasion et dont les membres sont parties prenantes de projets tels que Don Idiot, Jach Ernest ou Handy Curse, accompagne Nick sur la tournée en cours : save the date. S’ouvrant sur un déchirant Stamping On The Daffodils, lente incantation païenne habitée par un chant à bouts de tripes, on a froid dans le dos, le nouvel album de Nick Wheeldon décline en onze compositions inspirées l’amour de son auteur pour les ballades lo-fi désarticulées (They’re Not Selling Flowers Around Here Anymore) et la pop rock mélancolique, à l’instar d’un Isaak qui rappelle les Silver Jews. Americana fantasmé, frondeur, bancal, guitares désaccordées, volutes de piano, soli savants et rythmiques aériennes, l’électricité jamais loin, Waiting For The Piano To Fall sans complexes déploie ses atours et se pare d’une évidente intemporalité. Réminiscences Laurel Canyon (Routine Prisoner), orchestrations british sixties (le beatlesien Oh ! Surprise), 90s sépulcrales (il y a du Grant Lee Buffalo sur le fabuleux Black Madonna), tout y légèrement plus sombre que sur Gift, jusqu’au conclusif No Spider et son émouvant violon. Dans les films burlesques, les passants parfois sur le trottoir manquaient de se faire écraser par un piano. Au-delà de cette cocasserie – qui se reflète jusque dans le titre du disque et sa chanson éponyme, pourtant lumineuse –, l’on sent chez Nick Wheeldon & The Living Paintings une charge émotionnelle non dénuée d’un fatalisme ambivalent. En effet, attendre, immobile, au pied d’un immeuble, de se faire écrabouiller par un piano revient à tutoyer l’immortalité, puisqu’il est improbable que cela arrive. En ce sens, le très beau Waiting For The Piano To Fall invoque le mauvais sort tout en le conjurant, à coups de mélodies enivrantes et d’arrangements inventifs : aucun doute, Nick Wheeldon est un bien talentueux exorciste.




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