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  • octobre 2005 /
    Pumuckl
    l’Interview

    réalisée par gdo

Interview réalisée par mail en octobre 2005 - Photos de alfred foto

tu peux te presenter ?

— Pumuckl est un projet exclusivement solitaire (les rares musiciens qui ont enregistrés quelques pistes sur mes disques n’étaient qu’exécutants) sur disque comme sur scène. Ca fait en gros 3 ans que ce "projet " mobilise ma tête et mon temps libre J’ai réalisé trois autoproductions (enfin plus, si on compte les précédentes toutes pourries que je cache…) : Philosophage 2.0 en 2003/2004, Subutex en 2004 et Sommeil léger que je viens d’achever. La solitude a cet avantage qu’elle me permet d’aller ou bon me semble, de changer d’esprit d’un disque à l’autre. Philosophage 2.0 et Subutex étaient exclusivement instrumentaux, d’influence générale électronique et post-rock, alors que Sommeil léger, sans rompre radicalement avec les ambiances des disques précédents, est composés exclusivement de morceaux chantés, avec un ton un peu plus pop par moment... voilà, je crois qu’on peut pas rêver mieux comme présentation pour commencer…

Qu’est ce qui a déclenché ton envie de composer ?

— Question difficile…je ne crois pas que cette envie, si c’en est une, soit apparue d’un coup. Ca a été très progressif. En tout cas, j’aurais du mal à te faire une présentation romancée de la généalogie de l’écriture pumucklienne, pour le dire avec le pti doigt en l’air… Comme tous les pti gars qui font de la guitare, j’ai commencé à faire des fausses compos en me prenant pour Kirk Hammet, puis j’ai fait des compos merdiques, puis des compos médiocres et comme ça, au fur et à mesure, j’ai progressé. En fait, la seule chose dont j’ai vite été certain, c’est que je voulais faire des instrumentaux parce qu’il me semblait important de " maîtriser " d’abord la dimension purement musicale de la composition et parce que je ne me sentais pas prêt à ajouter des textes à ma musique. Donc pour répondre à ta question, ce n’est pas en terme d’envie qu’il faut poser la question, c’est en terme de défi personnel, en terme d’ego. Pas très romantique, je t’avais prévenu !

On a pas mal discuté depuis tes premières démos d’influences comme Dominique A ou Diabologum ? En quoi ces influences teintent tes compositions ? Qui d’autre a de l’influence sur ta musique ?

— Soyons clair immédiatement, Remué de Dominique A et #3 de Diabologum sont de très loin mes disques préférés, et ce depuis bientôt 7 ans… l’ironie du sort a d’ailleurs voulu que je découvre ces deux disques la même semaine…belle semaine…quoique. Je pourrais en parler des heures mais ce n’est pas l’objet de l’interview (Je renvoie les internautes à un petit billet que j’ai consacré à la question sur mon site). Bon après, je dois quand même dire que tu es le seul à avoir évoqué Diabologum et Dominique A à propos de mes premiers disques (tu as des circonstances atténuantes, je t’avais envoyé une version de philosophage avec une reprise de sous la neige de Dominique A et je t’avais toute de suite dit en découvrant le webzine mon admiration pour Diabologum). Je ne sais pas trop dans quelle mesure j’ai été influencé par ces artistes. Ce qui est sur c’est qu’ils m’ont influencé de façon négative, contraint en quelque sorte. Le propos de ces disques est tellement cohérent, tellement puissant qu’il m’a pendant longtemps paralysé à écrire des textes…Pourquoi écrire puisque tout est dit, tant sur la vie en commun que sur les affres de l’âme ? Malgré tout, même à l’époque de philosophage, Remué et #3 ont certainement eu une influence diffuse sur mon travail…le " pessimisme " que tu évoques dans ta chronique de philosophage, une certaine colère, le souci presque intégriste de ne pas faire de la musique pour divertir, tout ça s’inscrit dans une démarche en prolongement de l’esprit du label lithium… En chantant aujourd’hui, par contre, l’influence de mes maîtres est beaucoup plus directe, plus décomplexée, en particulier dans certains textes. Je ne cherche pas à reproduire quoi que ce soit mais je me laisse aller et je crois que cette une bonne méthode. A coté de Diabologum et Dominique A, je dois dire que je suis un fan absolu de lift your skinny fist like antennas to heaven par godspeed you black emperor !, qui est pour moi un album extraordinaire, et aussi de Sigur Ros, de Neurosis, de Mogwai, de Do make say think, etc… J’ai eu une grosse une période " post-rock " assez compulsive et c’est indéniablement les groupes dont je viens de parler qui ont influencé mes premières maquettes. Aujourd’hui, je découvre vraiment la pop et je me l’approprie de plus en plus dans ma musique. De ce coté la, c’est indéniablement depeche mode qui compte le plus pour moi.

Tu parles de tes premières maquettes, comment mesures tu le fossés entre celles ci et ta dernière livraison qui pour moi reste un des meilleurs disques de cette année sur ADA ? Et comment l’expliques tu ? L’assurance ?

— Je ne suis pas le mieux placé pour juger mon travail. Même s’il s’agit de juger sommeil léger relativement à mes maquettes précédentes, je n’ai pas encore le recul nécessaire pour évaluer avec honnêteté mes " progrès " ou mes réussites nouvelles (j’ai fini le mixage il y a à peine un peu plus d’un mois). Ce que je peux dire, c’est qu’en le faisant, je n’ai pas eu l’impression de me surpasser et même, j’ai terminé ce disque avec une certaine déception, avec le sentiment de ne pas avoir été au bout de mes possibilités artistiquement comme techniquement (ça peut paraître prétentieux compte tenu des éloges que tu m’adresses mais c’est ce que je pense). Tu parles d’un fossé mais je crois avant tout, mais peut être je me trompe, que ce qui change vraiment ce n’est pas tant la qualité de ce que j’ai fait que l’esprit général du projet. Je suis toujours très fier de subutex qui reste pour moi vraiment abouti, bien plus que philosophage d’ailleurs. Mais, avec sommeil léger je crois que je me suis un peu libéré, je me livre un peu plus (toute proportion gardée, je suis loin de l’exhibitionnisme quand même). Le fossé que tu perçois, je crois qu’il vient du fait que sommeil léger est à la fois plus direct et plus accessible. Je parlais tout à l’heure d’une attitude plus décomplexée vis à vis de mes influences…je crois que c’est l’idée. Déjà je chante de ma jolie voix d’enfant de choeur et même il y a trois titres sur six en français. C’est sans doute une étape cruciale. Je ne me voyais pas refaire un disque instrumental, je voulais tuer le père en quelque sorte et me frotter à l’écriture. Je crois que beaucoup préfère sommeil léger car la voix le fait sonner plus humain, moins agressif à certains égards. Ensuite, purement musicalement, je me suis aussi débarrassé de certains complexes. La structure harmonique de la plupart des morceaux de Sommeil léger est extrêmement simple alors que dans les précédentes maquettes, je me complaisais un peu dans la complexité (certains diraient dans la branlette, ils n’auraient peut être pas tort)… Rythmiquement, je me suis aussi autorisé des formules plus immédiates, basées sur des schémas kick/caisses claires très simples et fatalement plus efficaces. Je pourrais énumérer les exemples…Je n’ai pas tout simplifié, mais ce qui donne l’allure générale des morceaux est globalement plus simple et c’est ce qui plait aussi, je pense. L’assurance ? Je ne crois pas être plus assuré aujourd’hui. J’ai pris plus de risques, c’est vrai, mais cette prise de risque s’est accompagnée de plus de " peur " et d’incertitude.

C’est quoi la genèse en général d’un morceau de Pumuckl ? Le hasard est il le moteur ou une bonne partie est déjà bien définie ?

— Ca a changé aussi... Avant, je construisais mes morceaux à partir de grilles harmoniques assez élaborées et avec une idée générale de l’esprit du morceau que j’étoffais. En adoptant un format chanson, j’ai changé ma manière de composer. Maintenant, c’est plus spontané, tout vient un peu en même temps, texte et musique. Alors qu’auparavant, j’envisageais le travail de composition comme partie intégrante du travail de home studio, sommeil léger a été composé live avec une guitare et bune loopstation. Quand une idée me semble bonne, je l’enregistre en home studio et je la travaille...puis je reviens sur ma guitare en prenant en compte les idées que j’ai trouvé en studio et ainsi de suite. Les morceaux évoluent lentement par un aller-retour perpétuel entre le travail live et le travail de studio. C’est une méthode plus humaine, parce que désormais mes morceaux sont reproductibles sur scène... Le hasard est bien évidemment un moteur, rien n’est défini à l’avance. Je crois que c’est inévitable à partir moment ou on travaille seul en homestudio. Mais hasard ne veut pas dire "coup de bol"...il faut savoir séduire le hasard pour qu’il soit généreux.

Sur ton blog tu diffuses assez rapidement et spontanément des titres. C’est un confort de pouvoir partager rapidement ou une prise de risque de balancer tout et n’importe quoi au risque de s’éloigner de tout ?

— J’envisage le blog à mi chemin entre un espace d’expression et un support promo. Je ne suis pas une star et je n’ai pas envie de me prendre la tête sur l’opportunité stratégique de diffuser un morceau inattendu ou qui peut décevoir. La musique appartient à l’espace public, elle est faite pour que des gens l’écoutent, pas pour satisfaire l’appétit narcissique de son créateur solitaire. En diffusant un morceau je précise toujours l’"ambition" de ce dernier si bien que les gens qui ne veulent pas écouter mes petits essais vont écouter les extraits des EP. C’est une souplesse que j’apprécie beaucoup, c’est une chance pas un risque pour moi.

En comparaison avec tes premiers efforts tu es plus dans la recherche de l’émotion, je trouve. Penses tu à l’avenir laisser l’instrumentation pure et dure pour l’écriture de chansons ?

— Comme je l’ai dit précédemment, le travail "pur et dur" d’instrumentation était pour moi un préalable essentiel au passage à des morceaux chantés. Je voulais d’abord apprendre à jouer avec une dimension, l’instrumentation, avant de me lancer dans le "bidimensionnel" (toujours avec le pti doigt en l’air) en rajoutant des textes. Malgré tout, la structure de mes morceaux n’est pas celle de chanson...pour l’instant, c’est en quelque sorte des instrumentaux avec des paroles. Faire des chansons pop couplet refrain, pour l’instant, je ne sais pas faire, du moins pas comme j’aurais envie... Voila, maintenant, j’apprends à utiliser le chant et c’est effectivement dans cette direction que je travaillerai, certainement.

Tu pourrais travailler en groupe, faire face aux concessions ?

— Déjà, matériellement, ça serait difficile vu ma situation aujourd’hui. Après est ce que j’aurais envie ? Il faudrait que les musiciens qui m’accompagnent adhèrent au projet et y prennent du plaisir... je dorlote pas mal mes chansons et je n’apprécierais pas que des personnes extérieures mettent trop leur grain de sel dedans, je crois... En plus, je ne me sens pas l’âme d’un chef d’armée. Je crois que Pumuckl tire aujourd’hui sa cohérence dans son caractère solitaire. Le projet n’est pas sédimenté et je ne peux pas demander à des gens de rejoindre une barque en travaux. Et puis,comme je suis assez satisfait de mon set live avec guitare et sampler, le jeu avec d’autres musiciens viendrait plus rajouter des contraintes qu’autre chose. Par contre, ça me tenterait vraiment à terme de faire autre chose que Pumuckl avec une vraie logique de groupe et de création en commun.

Mais as tu un contact avec d’autres musiciens ? et si ou lesquels et que t’apportent ils ?

— Oui...Déjà je joue avec Karl-alex Steffen. Je l’accompagne sur scène et ai participé à l’enregistrement et à l’arrangement de certains de ses morceaux. Ensuite, j’ai enregistré des guitares pour le disque à venir du vénérable David Fakenahm qui sera vraiment très bien... Ces expériences sont censées m’apporter d’abord du plaisir, c’est ce qui compte. Ensuite, cela me permet de sortir un peu de mon petit univers...Je crois que c’est indispensable pour progresser de ne pas jouer uniquement sa propre musique. A coté, j’ai des contacts purement relationnels avec d’autres musiciens, notamment avec le groupe stéréogrammes (avec qui je devrais partager une affiche prochainement) et avec Matthieu Malon qui est un peu une figure de patriarche (ça le fera marrer de lire ça !!!)...

Philisophage, subutex, sommeil léger....il y a du vécu dans tes disques ?

— Bon la je dois prendre une tête larmoyante , un ton pénétrant entrecoupé de petit silence et mettre ma main sur le coeur...Trêve de déconnade, il ne faut pas mélanger l’"artiste" et son oeuvre sinon on flatte l’ego du premier et on tord le cou à la seconde. Alors bien sur, mon état d’esprit joue sur l’ambiance de mes morceaux mais ça se limite la. Pour être honnête, s’il y a un disque qui est motivé par mon vécu, c’est philosophage qui est intervenu après une série d’événements un peu compliqués. Et a cette époque la, le choix d’un format instrumental était un moyen de rester pudique aussi. Subutex est en revanche une pure expérience musicale, rien de plus. Enfin, je sais que sommeil léger, puisqu’il il contient des textes, est scruté par certains à l’aune de ma biographie. Sommeil léger ne raconte rien, il n’ y a pas un soupçon de narration dans ce disque. Je dois avoir un rapport conflictuel au réel, je ne veux pas raconter d’histoires et je n’aime pas trop qu’on m’en raconte. C’est un disque qui essaie d’illustrer une idée, avant tout...

Tu pourrais être influencé par la littérature et, si oui, quels auteurs trouveraient grâce a tes yeux ?

— J’ai honte mais entre la musique et le taf, je ne prend pas le temps de lire de la littérature...mes seules influences viennent de la musique. Mais il y a de quoi faire.

As tu déjà des idées pour l’avenir ? As tu des projets ?

— Rien de super élaborés...Je viens de finir sommeil léger et je suis un peu éreinté. Les projets de court terme c’est de défendre le CD notamment sur des petites scènes. Musicalement, je n’ai aucune idée des prochaines directions de Pumuckl. De toute façon, l’actualité n’est plus à l’enregistrement, retour au monde réel et au travail non musical !

Le mot (ou le pavé) de la fin est pour toi ?

— Dépourvu. (eh oui, sous les pavés, il n’y a pas la plage, il n’y a rien.) .