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Dans la catégorie duo sauvage, le duo Mansfield Tya se singularise déjà car il n’y a pas de trace de mâle poilu, hirsute et plus histrion que véritable valeur ajoutée au concept, ensuite car ici on ne braille pas. On tord, on griffe, on soulève l’épiderme pour y glisser quelque grains de sel le tout de façon presque angélique et souvent crispante. Après un premier album faisant suite à une invitation à une de nos compilations (l’un de découlant pas de l’autre, nous n’avons pas ce pouvoir) nous pensions les Mansfield Tya sur la corde raide, sèchent de chose à dire, et capable de tout détruire, notre amour avec. Mais la corde n’est pas raide, elle est sèche, elle est acérée comme ces coups de violons, elle souligne des voix éraillées mais divines (ne croyez pas aux mythes des sirènes blondes et souriantes, les sirènes sont comme nos Mansfield Tya, donc beaucoup plus attirantes), une façon de chanter qu’un ancien ministre dont le nom reste impérissable dans nos mémoires aurait dit de sauvageonne. Mais ce ministre serait passé à côté de ce qui fait toute la différence, car les Mansfield Tya nous arrivent du Moyen Age, l’époque du talion, mais avant tout de la préciosité des mots, époque des précautions oratoires. Loin du modernisme, il faut chercher les influences du duo dans le Jeanne d’Arc de Rivette plutôt que dans la Haine de Kassovitz. Il y a de la classe dans cette façon d’écrire, celle qui nous pousse à garder une porte ouverte quand quelqu’un arrive, celle qui nous permet de laisser le strapontin à l’impotent, le tout en portant un blouson de cuir, en écoutant « Rid of me » à fond ou en déclamant des poèmes de Jean Genet. Sans équivoque, sans baisser sa garde, le duo s’autorise des chansons plus populaires, au sommet desquelles le « Waisting My Time », chanson chorale qui n’est pas sans nous rappeler les derniers albums de Cat Power. Jamais inégal, montant les morceaux les uns contre les autres pour susciter le conflit, le frottement donc la chaleur, « Seuls Au Bout De 23 Secondes » n’est pas le disque d’un duo sauvage, c’est surtout la confirmation d’un talent unique. Et si « Je Ne Rêve Plus » (mes yeux et mes joues s’en souviennent) et « Dé-Programmé » était les réponses évidentes et plus puissantes de nos amours parfois illégitimes pour les bandes de Michniak. Plus jamais seules.