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« Play it louder » conseille le duo parisien Howling Fever dans le digipack de leur CD. Et dès le deuxième titre de cet album éponyme (rebaptisé « l’album à la chèvre » car une sorte de bouc satanique accueille l’auditeur), il semble évident que le conseil n’est guère à prendre à la légère. Faisons-la binaire : chez Howling Fever, ça défouraille méchamment, les potards à fond, les grattes échappées de Sainte Anne ; ça crisse et abat les cloisons, ça arrache et rend fou furieux le voisin célibataire qui se couche avant minuit. Oui, pour une fois, un groupe de rock français cherche plus loin que la filiation Sonic Youth / Joy Div’. Limite hardcore, parfois zébrée d’éclairs stoner, la musique affolante de Howling Fever renvoie à des références que le bon goût se plait malheureusement à passer sous silence : Fugazi, Girls Against Boys, Melvins, At The Drive-in… Autrement-dit : du boucan mélodique, du rock qui ferraille mais qui sait parfaitement mettre en évidence la clarté harmonique de ses compositions. Une leçon naguère appliquée par Nirvana, donc par Neil Young…

Car si le groupe s’autorise de méchantes embardées metal et des divagations soniques comme on en croise rarement en France, chaque chanson (car il s’agit de chansons avant tout) est ici bâtie sur des constructions suffisamment complexes et riches pour laisser deviner qu’en acoustique la musique de Howling Fever conserverait la même puissance, le même impact (comme le prouvent les passages « calmes » du superbe « Sunshine Hobo »). C’est également pourquoi la tentation est grande de faire tourner cet album en boucle, des heures durant, sans lassitude aucune : une fois apprivoisé la décharge hardcore qui transforme notre appartement en centrale nucléaire en pleine surchauffe (même si les kilowatts d’électricité utilisés par Howling Fever en douze titres priveraient Paris d’énergie durant au moins trois mois), les bases pop, le chant beaucoup moins hurlé que chanté, la souplesse dans le bruitiste ordonnent expressément de revenir vers « l’album à la chèvre » (on l’appellera dorénavant comme ceci, donc).

Sans vouloir généraliser n’y tirer de conclusions façon Madame Irma, il est bon qu’un groupe français tel que Howling Fever existe aujourd’hui. Absolument sourd à la synth-pop comme à la chanson chiadée, aux belles orchestrations comme au post-punk « pour les gens qui n’en veulent », le duo mené par Romain Siergie et Yvon Lemetayer s’impose comme à contre-courant des tendances et des facilités qui minent bien trop souvent le paysage musical français. Terriblement personnel, ce rock transpire la confession, l’urgence, le besoin de balancer les pires atrocités, à nue, dans l’apaisement du cri et la nécessité du lâcher prise. Quitte à ressembler à une soudaine mais bienvenue anomalie dans les trop sages servitudes du rock français. Pas étonnant que Howling Fever possède des liens avec l’association « En Veux Tu ? En V’la ! » (Camille Jamain coproduit l’album) : l’anticonformisme et la radicalité se trouvent ici.




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