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Voila maintenant plusieurs mois que nous attendions cet album. D’abord car le précédent EP d’ODyL (« C’était l’hiver ») nous avait mis une jolie claque : extirpant la puissance d’un rock insoumis, combatif mais néanmoins à fort potentiel commercial, la chanteuse / guitariste offrait également des mots barbares, d’une crudité émotionnelle plutôt rare en France. Ensuite car ODyL est une bête de scène dotée d’une sacrée personnalité : bravant les galères et les mauvais coups du sort, toujours prête à en découdre, cette fille inspirait énormément d’élans positifs pour les parias et les recalés que nous sommes.

Toujours sans label (ce qui constitue un vaste mystère tant il semble imparable, d’une évidence alchimique, que cette artiste est née pour casser la baraque), ODyL a donc, via un noyau dur d’aficionados (les odyliens), autoproduit son premier album en solo (rappelons qu’à ses débuts, elle chantait et jouait au sein du groupe ILIS). Disque français 2014 le plus attendu par l’auteur de ces lignes, « Petite » confirme haut la main les espoirs et les attentes des derniers mois : moins sombre, plus ouverte, variant les ambiances et les textures sonores, ODyL propose aujourd’hui un grand disque de rock français. Qu’est-ce à dire, un grand disque de rock français ? A mes yeux, une collection de chansons certes abrasives mais possédant une belle légèreté harmonique ; des mots sincères, pensés et vécus ; un éclectisme musical offrant une cohérence imparable à l’ensemble ; des tripes, de la générosité, la sensation d’écouter un don de soi. « Petite », c’est cela. Et plus encore. Bien plus.

L’album débute par trois des quatre titres présents sur « C’était l’hiver EP » (les déjà classiques « Petite », « Presque parfait » et « C’était l’hiver »). Manière d’organiser une transition entre passé et présent ? Peut-être… Toujours est-il qu’« Au tournant », premier morceau inédit, est un tsunami qui ne laissera personne insensible. Sur un mode chaloupé immédiatement accrocheur (tube ?), ODyL annonce la couleur : « Je veux mon poing sur ta gueule et un gun sur ta tempe / un accident de bagnole émouvant ». Le converti, rien qu’à cette chanson condamnée à l’éternité, devine que « Petite » lui offrira tout ce qu’il espérait du premier album solo d’ODyL : quelque chose de supérieur à la moyenne car concocté par une compositrice au talent aveuglant ; une compositrice qui, en parlant d’elle-même, réussit à atteindre un point de vue universel. « Dis-moi où s’en vont tous les gens » est une délicieuse pop-song confirmant les envies « chansons » d’ODyL. Sur un air irrésistible enrobé d’une production hyper spacieuse, l’élégante jeune dame se laisse aller à une dérive urbaine aussi enjouée que suspicieuse. Un hit, à nouveau.

Ralentissant le tempo, naviguant dans les rives de la ballade mélancolique, « Encore pied » prouve (si cela était encore nécessaire) qu’ODyL possède une voix qui émeut, une voix qui instaure un pont (rarissime) entre mainstream et élitisme. D’ailleurs, à ce stade de « Petite », cette impression : jamais ODyL n’a aussi bien chanté que sur cette nouvelle collection de chansons. Plus doux, peut-être abandonnant la colère pour une tendre et optimiste résignation, le chant caresse ici l’auditeur comme hier les Smiths savaient si bien le faire : comme un délicat mélange entre implication et très légère distanciation.

L’album s’achève par les amours Courtney Love d’ODyL. Mais l’aspect rock de « Petite » tient moins de « Live Through This » que de « Celebrity Skin ». Ensoleillé et troublant (quand bien même les textes tabassent sévère), ce disque annonce de nouveaux horizons pour la compositrice : ouverte au monde, inévitablement elle-même, acceptant ses envies comme son compréhensible besoin de renouvellement, ODyL est maintenant une figure essentielle du rock français.




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