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D’abord, il y a cette pochette comme un camée, comme ces ras du cou surannés, cette femme belle comme un personnage sorti d’un film de Lubitsch.

Cette femme comme empruntée en ces temps où être photographiée était encore un évéèment, une étape...

Ce regard à la fois doux et assuré qui regarde en dehors du cadre mais qui, ça, nous ne le saurons jamais.

Puis il y a ce nom, "Drake"... Molly, mère de Nick, trop tôt disparu. Immense artiste trop tôt parti.

Lancer ce disque, c’est pénétrer dans une autre sphère temporelle, dans une autre sphère de l’intime. Cette femme, baignant dans un milieu bourgeois, dans le Rangoon, dans la Birmanie des années 30 aux côtés de son époux diplomate, Rodney avec ses faux airs de Douglas Fairbanks.

Lancer ce disque, c’est rejoindre les espaces des craquements de disque, la délicatesse des notes de piano égrenées d’une main légère.

Lancer ce disque, c’est être submergé par la beauté secrète de cette voix... Sans doute, un jour faudra t’il réévaluer tous ces vieux enregistrements au bruit de cylindres métalliques.

Confusément, sans vraiment comprendre, le Stephin Merrrit de "69 love songs" s’aventure dans notre esprit, peut-être dans l’affirmation de cette mélancolie des bluettes bien plus profondes qu’elle n’y paraissent, celles de Cole Porter et des grands des années 30.

Parfois on saisit des instants de famille comme cette voix,sans doute, celle de son mari qui découvre avec nous dans ce temps dilué la nouvelle composition de Molly et son exclamation enthousiaste " Oh That’s pretty good".

Cette musique, c’est cette autre Angleterre que nous aimons, d’avant la Pop.

Cette Angleterre des colonies, celle du James Ivory de "Chaleur et poussière", celle de "Chambre avec vue". Cette musique de privilégiés, d’insouciants, de nantis avant l’avènement d’une autre époque, celle des compositeurs issus du commun des mortels.

Cette musique, pleine de défauts et d’urgence, n’est finalement qu’une suite de diapositives que nous défilons à l’envie.

Etrange ironie de l’histoire de la musique, son fils, Nick , contribuera à donner un bon coup de pied dans une certaine idée de la bien-pensance mélodique.

Mais ici point de calcul, la voix de Molly, c’est d’abord du champ de l’intuition, du domaine de la poésie pure, du ton de l’instant, de la miniature, de la capture du tout petit moment.

Y a t’il pire que de perdre son enfant dans la vie d’un être humain comme le vécut Molly Drake un matin de novembre 1974 ?

Comme semble le dire d’une manière prémonitoire la mère de Nick Drake dans cette chanson composée, plus de 30 ans avant sa disparition, "Breakfast at Bradenham Woods", "It was dark and cold on the very beginning of day".

Ne refaisons pas l’histoire de ce que fût la tragédie de la vie de Molly Drake, la disparition de son fils, Nick Drake.

Molly, elle, est décédée aux beaux jours de juin 1993, elle aura survécu à son fils presque 20 ans mais a été enterré à ses côtés...

Sur la tombe, on peu lire les mots écrits par son fils :

"And now we rise, and we are everywhere"...

Molly Drake est partout, son souvenir, sa présence, son humanité sont dans ces dix-neuf titres comme au premier jour.... Elle vous attend, là sur le perron, accueillante, charmante, belle comme un cœur dans ce petit camée que vous serrez entre vos mains.




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