Il y a quelques années, l’américain Ryan Karazija de Low Roar a l’excellente idée de s’expatrier vers l’Islande.
Ne tombons pas dans les clichés habituels sur l’Islande, les volcans aux noms imprononçables, les voix rocailleuses, les noms en Sson, Bjork et sa vulve palpitante, Sigur Ros.
Bon, c’est vrai, à première écoute, quand nous découvrons ce second album , "O", l’univers de Low Roar semble tirer une droite vers celui de la bande à Jonsi. Mais cela serait s’interdire un bien trop grand plaisir que de se limiter à ce jugement hâtif.
Certes, on reconnaît bien les cordes d’Aminaa, fidèles collaboratrices du groupe islandais mais chez Ryan Karazija, le travail sur la spatialité est tout autre.
Du "Breath In" en forme de Mantra en ouverture au dépouillé "Easy Way Out", il y a ces infimes petits secrets de production qui dessinent progressivement une véritable singularité, cette maîtrise de la mise en perspective qui n’est pas sans rappeler le travail solo de Joseph Costa (L’Altra) avec son projet à redécouvrir Costa Music.
Comme si Youth Lagoon riait avec le Folk crépusculaire, comme si Gem Club trouvait la paix, comme si Foxes In Fiction s’estompait dans une brume plus opaque encore.
Low Roar se réapproprie une certaine idée de la mélancolie qui accepte le ciel lumineux.
Se baladant dans la Pop façon Sixties à la manière de Tonton Brian, il apporte ce je ne sais quoi de pudeur, ces mots simples, ces jeux du quotidien ("Nobody Loves Me Like You").
Un œil dans le rétroviseur, un autre dans le futur, la tonalité est hybride comme des Doo Wop perturbés ("I’ll Keep Coming") Parfois, nous rencontrons des moments d’exception, des instants où nous sentons jusqu’au plus profond de nos fibres, de notre chair, de nos os, combien il est bon de se sentir vivant, d’être vivant. Porter son enfant dans ses bras pour la première fois, sécher ses premières larmes, savoir que chaque moment peut être le dernier. Parfois aussi, certains petits événements d’apparence plus futiles, moins évidents, moins vitaux contribuent de notre chronologie de vie, de ce qui fait nos étapes.
Pourquoi faire une hiérarchie de l’utilité, du caractère précieux de ce qui nous constitue ?
Bien entendu, il y a ce qui est vital et puis il y a ce qui est nécessaire. "O" est de ces instants nécessaires ("Half Asleep")
Pourtant rien de novateur. Comment alors expliquer cet attrait, cette attirance ?
Sans doute dans l’assumée sincérité des propos ("Please Don’t Stop (Chapter 1)") et dans ces défauts comme revendiqués, une non-volonté de l’absolue perfection qui finit par ressembler à un lissage uniforme ("I’m Leaving" ). Cette même simplicité dans les envies que celles de Zach Condon de Beirut ou des méconnus Foreign Fields. Jouant de la longueur, du rapport au temps,Ryan Karazija tente tous les formats, les miniatures ("In the Morning") ou des constructions plus épanouies ("Phantoms").
Il n’oublie pas non plus de nous faire voyager dans nos passés rêvés avec des clins d’œil au Popol Vuh de "Nosferatu" de Werner Herzog ("Anything You Need") ou se fondre dans l’ombre exquise de Peter Coyle des Lotus Eaters ("Dreamer").
Pervertissant non sans une pointe douce de second degré un R ’n B neurasthénique, Ryan Karazija nous fait presque danser dans une ronde surréaliste ("Vampire on My Fridge").
Climatique, chaleureux pourraient être les qualificatifs pour donner envie à votre meilleur ami d’aller se perdre dans les étranges péninsules de Low Roar ("Please Don’t Stop (Chapter 2)").
"O" ou comment l’Amérique rencontre l’Islande, comment les volcans deviennent prairies, comment les geysers deviennent grand canyon, comment les mers froides deviennent désert du Mojave, comment les runes se mêlent à des langues oubliées.
Avant de nous quitter, prêtons nous à un petit jeu :
Répétez moi après moi :
Ey... ja...fja...lla...jo...kull
Eyjafjallajokull
Ca y est la malédiction est levée, vous savez désormais prononcer ce mot bien pratique au Scrabble pour briller en société...