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L’idée est de retrouver la plume, celle qui permet d’envoyer des mots sur des sons afin que ces sons finissent par s’envoler vers d’autres oreilles qui elles-mêmes pourront voler de leurs propres ailes. Mais l’expression a du plomb dans l’aile (et avoir du plomb dans l’aile c’est incompatible avec les envolés, lyriques ou non). Nous n’écrivons plus avec une plume, et les claviers en plastique attendent encore une expression pour suggérer un quelconque prolongement de nos mains, de nos doigts. La plume était sèche depuis quelque temps chez moi. J’essayais de l’irriguer par des mots de papier, par des images mouvantes, rien n’y faisait, elle se déplumait de plus en plus, laissant apparaître des sortes de nervures, la projetant dans une imagerie plus proche de celle d’un corps rachitique, que de celui majestueux de la brasseuse d’air, chef d’orchestre des souffles, traducteur d’un air qui souffre de son invisibilité.

J’ai chassé après l’inspiration, sauf que comme le monstre écossais, elle ne se chasse pas ni ne s’apprivoise, elle disparaît aussi soudainement qu’elle peut arriver. J’ai alors eu le courage d’affronter les monstrueuses blessures, frôlant la gêne, frisant le goudron, faisant l’aumône à l’inspiration, lui proposant un pacte. Jamais nous ne le signerons. Alors il était temps de se prendre en main, de battre le pavé à défaut des ailes, et de cracher son amertume d’une histoire singulière, mais devant cesser. Mais un oiseau se planta devant moi. Pas face à moi, de dos, le buste suffisamment incliné pour que je perçoive une envie d’entrer en relation. J’ai approché doucement, fasciné par l’ordonnancement quasi mystique des plumes, habillant le corps et les ailes avec la même clairvoyance que certaines décorations de temples anciens. En m’approchant j’ai perçu des sons, des chants comme ceux des sirènes quand la marrée montante propose à ces beautés aquatiques de plonger dans le plus profond de nos têtes pour les faire partir ailleurs. Mes sens plongèrent, nageant, rejoignant les rives pour respirer, toucher les terres connues ou inconnues foulées dans d’autres temps par des explorateurs illustres, dont certains filèrent récemment vers des astres plus sombres. L’oiseau me dira alors que pourtant jusqu’a maintenant il n’osait pas s’aventurer trop loin qu’il tâtonnait, de peur lui aussi de perdre des plumes dans une bourrasque qu’il n’aurait pas vu venir. Il me dit que son dernier voyage aura été l’occasion de se confronter à des hauteurs qu’il n’osait pas chercher, mais que le bonheur de l’expérience lui aura permis de le traduire dans une langue nouvelle pour lui. Tout en continuant à me conter ses aventures, je suis alors victime d’un vertige grisant, à la fois porté par le souffle de son récit épique et par la sensation de retrouver l’envie et la possibilité de voler, porté par le souffle d’une œuvre.

Il m’a alors donné une plume avec un clin d’œil et avec celle-ci je suis parvenu à écrire ces quelques mots, songeant que je venais probablement de déjà croiser une des œuvres marquantes d’une nouvelle année chevrotante. J’ai alors signé un pacte, mais avec l’oiseau, lui demandant de venir me voir dès que l’inspiration semble me fuir, en contrepartie je vais choyer ce sauveteur. Merci bel oiseau, merci Bumpkin Island.




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