Je m’étonnais, dans ma petite virée annuelle en France que dans toutes les librairies et disquaires on trouvait un surplus, une palette de petites choses sur la chère et noire Barbara, sur tous les étalages, sur des feuilles de livres plus ou moins épais. On a tendance, est-ce juste, à croire que la mort attise le feu de la beauté, et l’incendie prend quand le deuil de plusieurs décennies. Alors on reparle de cette chanson française, comme la mythologie des 60’s et leurs rois et reines qui ont survécus aux guerres mais pas au temps. On regarde toujours la chanson française en arrière, sans peur d’en faire des statues de sel, avec pour nostalgies ces vieilles cassettes de Véronique Sanson, Barbara, Piaf, Greco, Hardy, je rajoute Frida Bocarra pour mon intime plaisir, mais si je poursuis l’énumération, combien sont elles encore parmi nous ? Pourtant, loin des concours hyper médiatisés où les voix naissent aussi tôt qu’on les tue, la chanson française, a jamais teinté de titre péjoratif, de roi consort mais sans couronne ni fastes, la chanson française, si belle aux oreilles, ne sait mourir, telle la poésie, elle est éternelle. De fait, je crois qu’elle n’a jamais été aussi vivante et vive qu’en ce présent, parce que l’époque demande du rêve, quémande la poésie, et ce besoin de magie simple… le premier rayon de lumière qui se pose sur nos yeux le matin, le frôlement de la peau, ne me dites pas qu’on n’a pas besoin d’émotions dans ce monde si …rien. Et les nymphes, bon an mal an, lâchent enfin leurs cocons, appuyées par un public toujours trop peu, mais toujours assez heureux d’être. Pauline Drand est une nymphe déjà colorée d’ailes de papillons, ses premiers pas ont laissé des empreintes dans le ciel, et ce nouvel envol déclame magie, et proclame le simple sentiment comme puissance. Le papillon vole, sur le premier rayon de soleil, sur le frôlement des peaux. "Faits Bleus" est bleutés, en effet, comme un bleu ciel, un bleu sur l’épiderme, bleu comme une paix, bleu comme la profondeur des mers. Pauline ne reste pas a l’ombre de Barbara et les autres consorts, elle en tire la lumière, se peint la voix de douceur avec cette fragilité qu’a la toute puissante voix de Sanson quand elle ressent la douleur, et s’habille des petites robes d’été où elle essaye de ne pas faner les roses, de lunettes noires où se reflètent les avions en partances, et de la chitine suffisante pour que le mal ne soit qu’un léger courant d’air. Et ce petit instant hors du temps qu’est ce disque, relie les 60 et les demain, dans cette ligne invisible du temps que les sensations dessinent comme des pas de valses lents, des vols de papillons calmes, parce que la sensibilité de ces dames est comme ces bras de mères autour de nos mauvais jours, présents. là. Les chansons s’enchainent comme les heures de la journée, tranquilles, happés dans chaque sourires, chaque saveur, et ces regards qui se connaissent autour des mois de mai, les chansons s’enchainent comme des gestes d’amours, parfois trop timides pour avoir existés, parfois clamés comme un rire pouffé. L’art fait des ellipses le long des mélodies, des contines répétées jusqu’à s’avouer vraie. Les lettres sont des calligraphies sonores, d’une ampleur sensuelle, d’une grâce personnelle, où se cachent dans certaines rondeurs des petits malheurs, mais où s’élèvent des traits firmes vers l’infini… où vole le papillon. Escortée par les anges gardien de Dominique A et produit délicatement, avec un tact tout a fait amoureux par Lo Brifo, "Faits Bleus" s’enveloppe d’un son clairement folk, mais dont les ailes se colorent de profondeurs, d’arpèges pour impulser plus haut encore le chant aux accents "Hardy", et sa narration intime des beautés et amertumes de l’amour. Alors renait cette mythologie des grandes chanteuses de l’hexagone, avec leurs frayeurs et leurs éblouissements, avec leurs forces et leurs abandons, les cocons s’oublient sur le bord des rivières, et les papillons choisissent si diurnes ou nocturnes en attendant des avions, ou la pluie sur les roses, avec un courage et une passion sans égal, au-delà des problèmes qu’a eu Pauline pour en arriver a nous offrir cette chrysalide, entre déception et cambriolage, entre trahison et reddition, il lui a fallut de tout pour enchanter le monde, et le monde, nul doute, sera enchanté de la voir voler.