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On ne peut pas parler de Sarah Amsellem comme des autres, c’est sentimentalement impossible, on ne peut dire « le premier opus », ni « Cette nouvelle artiste », on se doit de bannir les choses habituelles qui peuplent nos impressions et expressions, on ne peut, on ne doit, suivre les pointillés et couper de nos verbes le patron de ce disque. Il faut d’abord se taire, se mettre sous vide, en apnée nos phrases réitératives a chaque texte, retrouver cette poésie spontanée que l’on a un jour exprimé, chacun de son côté, pour ce disque qui nous a moulé comme une glaise dans notre jeunesse, vous savez bien, quand on a arrêté d’être enfant, le jour de l’amour, quelle chanson était-ce ? On ne peut pas parler de ce disque comme untel, come celui-ci, comme le sosie de, ou l’influence de, non, on ne peut parler de ce travail dans la vulgarité du quotidien vinyle. On se doit de se parer d’anges, on se doit de se maquiller des ailes, d’avoir un peu de « Duende », de lutin, de retrouver nos gamins intimes, ce vrombissement quand le premier amour était a moins de deux centimètres, on se doit a l’onirisme, croire que tout est possible, pour une fois, infiniment infinis. Autour de... en dedans de…Au-delà de Sarah, il y a un temps qui est dentelle, un tissus transparent où se taillent des encoches de temps en temps, quand l’instant est charment, quand le moment est violent, des dents de scies qui sont reliefs de monde, comment, comment voulez-vous parler de ce disque ?

Non, on ne peut pas parler de ce miracle comme d’un disque bon, osé, brillant comme tous ceux déjà écrits, on se doit d’aller à l’origine, à cette base impalpable, à ce frisson primitif, à l’aube, comment nait le clair obscur, la teinte, la matière, comment respire le son, comment pousse une voix. Au début, il y eu un projet nommé Hey Sarah ! Que je suivais sur l’écran à distance, quelque chose frêle, sans chitine, à fleur de peau mais timide, peureux, et sans doute voué à l’anonymat du pseudo pour confort, quand rien n’est vraiment sur, on sort dehors avec nos masques, on veut être là sans être vue, au début il y eu un peu de ça, là petite frayeur de l’enfant à voir le jour. Pourtant il était déjà là, le plaisir, le potentiel latent de l’ange, le miracle n’existe que si son église y croit, il ne manquait que la croyance. Au bout d’un rêve, on arrive à former l’écorce pour que la sève soit libre, on grandit parfois le temps d’un disque plus que durant des années de chansons, aussi belles soient elles, parce que les paroles reçues sont fondements, parce que le temps montre les petits pouvoirs, parce que simplement, on arrive au miracle d’être soi, tellement sûre qu’on s’intitule Sarah Amsellem pour tous droits d’hauteur. J’ai suivi dans la distance des éclaireurs la piste de ce qui naissait là, m’illuminant des petits pas, des jours de découvertes sonores, des dialogues "duende à duende", à chaque déferlante plus sur de la promesse, de l’avenir, quand Sarah est devenue vraiment Sarah, j’ai compris le titre, elle était là, dans ce miracle. Sarah a fait ce chemin que suit le faisceau de lumière dans les clairs-obscurs, ces zones d’or sur les points stratégiques des peintres classiques, cheminement sensoriel, l’âme à tâtons, quelques points qui définissent toute choses, et la musique elle même, chaque note, appuyée sur chaque verbe, suit le trajet de la faiblesse à la force, si la faiblesse, de plus, est une force, un pouvoir, une délicatesse, la dentelle, oh, comment, comment voulez-vous parler de ce disque ?

Non, on ne peut pas parler de ce disque comme un objet, bien qu’il meuble nos maisons de points stratégiques de lueurs, parsemées, semées, pollenisées par les mots, cultivées par les mélodies, champs a perte de rêves, on se doit de parler de l’objet comme d’un être, d’une entité, d’une femme en robe dentelée, transparente comme un propos, comme un aveu a la face, me voici, moi Sarah Amselem, fille nue et femme aigue, et ceci est on corps et ceci est mon sang, voici mon miracle qui meuble vos demeures de mes yeux, croyez en moi, je suis ce miracle que vous écoutez, je suis cet aveu, cette vérité, cette beauté de son qui se fait objet, mais l’aveu s’efface, dans la religion du son, dans la délicate couleur vocale, dans l’image d’une paix obtenue, couvre feu de la maturité, sagesse aimante et aimée, et ce disque, a identifié Sarah, lui a donné nom et lieux de naissance, lui a donner la force pour se tenir debout et la faiblesse pour aller jusqu’au bout, comment, comment diable parler de ce miracle ?

Non, il faut écouter ce disque avec d’autres outils, la chair de poule, l’enfance, les saveurs de nos bonbons, des gâteaux des dimanches, peut être utiliser superficiellement ces baisers volés a la sortie des lycées, et puis ces draps partagés, il faudra, en résumé, se servir du temps pour écouter ces chansons qui parlent de grandir sans vieillir, d’aimer sans haïr, de danser sans bouger, de voyager en étant a jamais là, il faudra parfois faire usage des sourires de nos rejetons, et celui plus serein de nos vieux, amalgamer les heures passées en studios, en écouteurs légèrement posés sur nos crânes, le son parfait, profond, contrastant graves et aigus dans des mélodies intimes, fraiches, vivantes, vrai, parfois frileuses, vrai, parfois tumultueuses, mais circulant comme sang en veine dans les méandres de nos empreintes digitales, il faut écouter ce disque avec nos biographies pour diamants de ses sillons, on est là, surement, dans l’antichambre d’elle, dans ce qui va ici se dire, se chanter, se creuser, il faut écouter avec le cœur, et non, a rien ne sert d’avoir la chaine hi-fi haut de gamme, juste, juste, l’âme.

Non, on ne peut parler de ce disque tel que vous l’écoutez déjà, il faut énumérer ses nuits et ses jours, décortiquer le calendrier depuis l’aube de lui jusqu’au crépuscule de nos hi-fi, aller d’Hey Sarah Jusqu’à Madame Amsellem, comprendre la route, suivre le chemin, savoir comment c’était au départ, et le triomphe qu’est l’arrivée, parler avec elle de ce trajet, la contacter dans ces chansons, l’y trouver entre lumières et ombres, dialoguer avec chaque chanson, partager un bout de ce sentier, demander le pourquoi du clavier, le comment des cordes, la couleur de ses robes d’enfances et les teintes de sa dernière vidéo. C’est dans ces méandres, ces petites phrases si joliment lancées sur les musiques simples, où il y a ricochet, où il y a richesse, que vous découvrirez cette artiste, qui ne se cache plus, qui n’est plus timide, mais reste sensible, qui n’est plus masquée, mais reste onirique, comment, comment parler de ce disque ?

En l’écoutant, a elle, a elle seule.




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