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Il est de bon ton de dire qu’il n’est pas très recommandable de renouer avec un ses ex, que la cassure ne sera jamais refermée et que le plâtre qui servira de colmatage aura un effet éphémère et que lézardé de partout, il laissera la fissure s’écarter encore plus. Manuel Etienne et moi, ce fut une grande histoire, que ce soit avec Lova Mi Amor, The Spangles et surtout Toxic Kiss, celui qui se faisait appeler alors Manox squatté le haut du podium de meilleur chanteur de rock d’ici. Et puis une séparation non-volontaire, les sollicitations sont telles que ma route et celle du Nancéien ne se croisent plus, tout juste un de ses trois premiers albums solos parvient dans ces pages à susciter l’admiration d’un des rédacteurs.

Mais je passe à côté comme le fils d’un roi à côté de sa vie, ne regardant plus en sa direction, faute d’un signe ou de temps. Et puis si le temps est depuis longtemps une denrée aussi rare que les perspectives d’avenir pour un enfant né depuis 1999, un signe lui est venu me faire un clin d’œil. Alors que je me replongeais dans l’intégralité des titres de nos 49 compilations, je tombais sur le volume comportant un titre de Toxic Kiss concomitamment avec la réception d’un mail de Manuel Etienne. Ne contrariant jamais les signes surtout ceux du langage quand il est porté par un énergumène énervé, je me dirigeais vers ce nouvel album de Manuel Etienne avec le crépitement dans le ventre, le cœur gros comme une patate de chez Madame Varda.

Et je n’eu aucune surprise, enfin si, car à l’époque de l’obsolescence programmée, de la vie consumériste jetable, retrouver un chanteur n’ayant rien perdu de ce qui a fait sa force, en ayant même gagné des territoires sur celui vaste de sa gamme d’interprétation, c’est hallucinant au sens premier du terme et au final bouleversant, comme si notre passé pouvait en se nourrissant devenir un présent encore plus grand.

"Imago", quatrième album, mêlant les chansons (majoritairement) en français et chansons en anglais, est un précis de pop rock lettrée et fureteuse, comme si sous le drap du fantôme de la pochette se cachait le Télévision de Tom Verlaine, l’imagnitaion fantasmagorique de Franck Black, les changements subites de direction de Bashung ou les velléités quasi-shamaniques du Gun Club de Jeffrey Lee Pierce.

Dés « Each Time / Flase » nos papilles auditives explosent en oreille, Manuel Etienne n’écrivant pas une chanson, le garçon échafaude un édifice. Nous pouvons « Trembler » face à ces constructions dangereuses, mais c’est à un véritable « Acrobats » auquel nous avons à faire, faisant de cette chanson le tube évident d’un monde dans lequel les Anglais auraient définitivement baissé pavillon face au lamentable Brexit et à une déculotté sportive. Perfide et insulaire dans le paysage actuel, mais rattaché au monde, à l’histoire (La Moneda) nous rappelant que le chaos si proche pourrait écouter les voix des fantômes des temps anciens. Les fantômes, il est en beaucoup question, même si pour « Agnès Varda » nous savons tous qu’elle n’est pas morte, et que comme elle et comme Manuel dans le grand livre de la musique, nous continuerons à glaner en penser à elle, en la rencontrant, sautant dans le creux de nos mains. C’est au milieu du disque de Manuel Etienne installe une pièce maîtresse dans sa géographie musicale, « une île entière » et sa passerelle avec le Dominique A des boucles amoureuses. Imperceptiblement, le disque installe un second chapitre avec « Les Makes » morceau lent et chaloupé, épopée miniature et inquiétante, sorte de Mélody Nelson sans voiture ni jeune poupée diaphane, mais plutôt un corbillard et des spectres rieurs. « Presque une Tango » alors dégoupille complètement, nous assoit sur un tabouret de bar et sans que nous nous y attendions le fait tourner indéfiniment, pour une danse plus animal que sensuel. « Ultimately » n’est pas un fantôme, c’est un monstre pop qui aurait tout emprunté, se construisant un déguisement et une histoire dans les artères sombres d’un bar bondé, la chanson quasi parfaite pour présenter son alter Ego, Manox revenant parmi les fantômes du disque. Presque baroque et décadent, le subtil vol « au-dessus de l’onde » ne sera pas froissé par le frontal « Chase », mais pourrait entamer une danse sur une feuille perdue dans l’immensité d’un lac avec le fantasmagorique « Feutre Bleu » qui clos à merveille un disque à deux faces d’un chanteur à plusieurs vies.

C’est après avoir pas mal digressé, que la réponse m’est au final apparu dans le titre, "Imago" ; désigne le stade final d’un individu dont le développement se déroule en plusieurs phases. Manuel Etienne est avec disque au stade du papillon merveilleux et évidemment éternel, pour que nos rencontres se perpétuent. Merveilles retrouvailles.




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