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Nous pouvions craindre que ce ultra multi instrumentiste oublie d’écrire, se lance dans une surenchère souvent apanage des musiciens de studios. Car si Jonny Polonsky signe avec « Kingdom of Sleep » son sixième album il est surtout connu pour ses travaux sur les albums de Johnny Cash, Neil Diamond, Donovan ou Pete Yorn. J’avais croisé Jonny via « Hi My Name is Jonny » son premier album, sous les conseils parfois avisés du leader des Pixies. Depuis, j’avais perdu sa trace, celle du compositeur, mais pas celle du musicien. Et puis un beau matin dans ma boite aux lettres (cet objet de moins en moins alimenté) je reçois un paquet m’arrivant tout droit de Brooklyn, avec un cd, une feuille de presse et une lettre manuscrite. J’ai eu alors du mal à réaliser que ce disque m’arrivait tout droit de la main de Jonny Polonsky, musicien émérite là où pas mal de musiciens d’ici snobent dés le cap des mille vues sur youtube sont passées.

Comment un artiste reconnu pouvait bien se retrouver à envoyer son dernier album à un obscur webzine français. Le temps, la période, les sollicitations ont fait que j’ai longtemps laissé ce disque de côté, n’oubliant jamais de l’écouter, cette attirance finissant par signifier beaucoup de choses. Car si la pochette peu porter à discussion, l’album est tout simplement une splendeur. À presque 50 ans Jonny Polonsky ne livre pas encore son testament musical, mais il signe un premier bilan devant lequel je ne peux que m’agenouiller.

Dés l’ouverture ( Ghost Like Soul), aidé par Cedric Bixler-Zavala de At The Drive-In, Jonny nous impose la certitude que nous n’avons pas devant nous un album tout à fait comme les autres, et que nous devons nous préparer à une révélation. Il faudra la pop enlevée de « Sign In The Window » pour ne pas tout de suite nous sentir écraser par l’émotion. Un titre en escalier qui sous le drapé de nappes subtiles provoque en nous une envie de danser. « The Weeping Souls » elle arrive sans crier gare, la chanson pop parfaite, celle qui ne nous quittera pas, subtilement soutenue par une orchestration comme des fleurs minuscules sur une robe de mariée. Jonny Polonsky fait dans l’orfèvrerie d’art. Et son coffre est rempli d’un trésor. « No Tears » comme une respiration, entre la chanson incongrue au milieu d’une scène surréaliste chez Lynch et une liaison amoureuse avec The Cure. Quand l’atmosphère prend le pas sur la composition comme sur « Take Me Home » Jonny convainc moins, mais il arrive à nous accrocher pour mieux nous terrasser avec « You Turn Me On » la chanson après laquelle Bono semble courir depuis « One » et qu’il ne pourra surpasser qu’en adoptant l’humilité de Jonny face à une mélodie implacable. « Aenerone » qui suit, est comme un hommage au Bowie de « Heroes » une splendeur électro spectrale qui nous plonge dans une forme de félicité, nous réconciliant presque avec l’idée que peut être qu’après la fin se cache effectivement autre chose. Il sera temps alors de prendre congé de Jonny avec « Willing Eye », morceau déchirant dans lequel le chant est comme un flot de larmes rageuses, mais jamais empreint d’un sentiment de vengeance.

Époustouflant de bout en bout ce disque de Jonny Polonski évite le démonstratif pour n’être que dans l’émotion la plus forte quitte à nous plonger dans un abîme de mélancolie qui n’a d’égal que la photo du livret, comme une captation en couleur d’une image d’ « Ombres et Brouillard ». Il y a véritablement quelque chose de troublant dans ce disque, comme la missive d’un ami que nous n’aurions pas vu depuis des années, et qui plutôt que de nous conter sa vie de façon calendaire se propose de faire un état des lieux de ses espérances en modelant ses expériences pour n’en extraire que la forme la plus parfaite. Divin.




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