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Overtures ouvre le nouvel album de Mocky, entêtant motif impair qui paie son hommage au grand Steve Reich. Comme souvent depuis quelques années, chez les musiciens et musiciennes qui, mêlant exigence et joie de jouer, ont eu la présence d’esprit de naître dans les années 70 et 80. Le charme est immédiat, d’autant que très vite, Ennio Morricone glisse une moustache altière et douce entre les cordes d’une harpe céleste (certes, il n’en portait pas, mais sa musique, oui). Le pluriel est bien pensé, car cet album va en ouvrir, des portes, des fenêtres, des yeux et des oreilles. En quelques instants, Steve se mêle donc à Ennio, qui attrape Giorgio par la main, avec quelques modulaires et indomptables sonorités, pour conclure ce petit voyage où jamais l’hétéroclite ne s’égare dans la vanité ou le mauvais goût. Quelques légers boitements dans l’exécution ajoutent au charme de cette musique, spontanée malgré la sophistication. Mocky a composé son album lors d’une année sabbatique au Portugal, puis est allé l’enregistrer en studio à Los Angeles, fermement décidé à ne pas dépasser les deux prises par chanson, et sans répétition (lecture à vue), le tout en 36 heures, pour capter les corps imprécis et les gestes, hésitants par moments, de musiciens d’orchestre experts, mais pas désincarnés.

Après ces ouvertures, ton cœur est prêt pour n’importe quelle caresse, et pourquoi pas un mambo ? Oui, après la réflexion et les citations, le corps doit parler. C’est une danse immédiate, qui porte l’étrange nom de Bora ! Il est vrai que nous ne sommes pas à une île près, un océan près, quand il s’agit de partir loin. Le mot mambo est d’origine bantoue, il signifie « voix en chœur ». Au Congo, il désigne des berceuses ou des chants sacrés. Et oui, la musique de Mocky est habitée. Spirituelle. Elle vise le ciel.

Stevie’s room, retrouve la flûte traversière des tableaux précédents, son chant de lèvres et de salive, pour un thème cinématographique, narrant les affres d’un adolescent des années septante. C’est un été d’ennui, où la chambre de Stevie cloisonne et ouvre les horizons, car il ne le sait pas encore, mais il en va en vivre des choses merveilleuses, ce cher Stevie, dans les mois qui viennent.

Humans livre une clé du projet Overtones for the Omniverse. Tradition du musical revisité par Kermit la Grenouille (écoute encore Rainbow connection, avec son banjo presque aussi émouvant que celui de Dock Boggs), revisité par Mocky. Chœurs puissants, cordes moelleuses, doux synthé analogique au portamento poignant inclus. L’humanité, recherchons-la. Elle ne peut pas avoir disparu sous les bombes, les drones, les crash financiers, les virus, les présidents-managers de ces vingt dernières années. Mocky y croit, tout comme son célèbre homonyme, deux miraculés de la désespérance. Il ne reste plus que l’amour pour la tenir dans sa main.

Ape-Ifanys est une errance dans des espaces touffus et inquiétants pour de rire. Course poursuite pour se dégourdir les jambes, les émotions, et reprendre pied dans la matière sonore. Le rythme halète, et nous suivons le galop mesuré de ce voyageur à la foulée longue.

Well tempered lament ouvre de nouveau les portes du cinéma aux fauteuils rouges, 35 mm dans le projecteur, esquimaux Miko dans le panier en osier qui grince à chaque pas de l’ouvreuse. La lumière est jaune, l’été permanent, la vie facile. L’aventure peut surgir de n’importe quelle rencontre.

Wishful thinking convoque une âme soul pour tresser une ode aux désirs, aux vœux, à ce qui donne sens à la force qui nous tient debout pour arpenter la courbure légère de la Terre. Il faut bien un mantra de ce tonneau pour oublier que chacun écope celui des Danaïdes.

Il y a dans chaque partie de cet album une mélancolie plus ou moins sourde, la voici assumée dans la conclusion tout en piano réverbéré de Désirée. Tu es dans une serre tropicale zébrée de feuilles géantes et de fleurs aux formes étonnantes, des oiseaux colorés discutent. Les notes de piano t’entraînent dans l’hôtel de Blade Runner, sur les traces de Kikujiro, certainement dans ta mémoire.

Si tu es blessé, désenchanté, perdu, obscurci par les mois d’errance aux confins de l’absurde, écoute cet album de Mocky, et ton âme s’apaisera.




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