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NO&RD ou autrement dit, la fusion explosive entre deux musiciens hors-pair, Olivier Mellano et Régïs Boulard, sur l’album « One » enregistré en un temps record pour que s’opèrent au mieux les réactions en chaîne. Un sacré pied de nez au musicalement correct à l’image de leur nom à l’heure du référencement algorithmique, l’esperluette entre le NO et le RD (pour les deux dernières lettres de leurs noms respectifs) étant au diktat des moteurs de recherche ce que les pochettes sobres de la Factory mancunienne étaient, toute mesure gardée, à l’industrie du disque dans les années 80 : un coup de roulette russe sur le plan référentiel autant qu’un signe distinctif pour sortir du troupeau bêlant.

Un des grands tours de force probablement, c’est qu’ils ne sont que deux sur l’album à faire tout ce beau boucan rythmique et mélodique ; pour vous donner un ordre d’idée de la performance, ce serait un peu comme Davy Crockett avec sa carabine Kentucky à Fort Alamo, entre pétarades, accalmie et repétarades pour bien faire monter la sauce. On fera le compte des pertes et l’estimation des dégâts à la fin, mais pour l’instant, action. Ça commence par une belle plage atmosphérique entre larsens et riffs contrôlés mariés à un subtil jeu de batterie dans un exercice de style rock jazzy tout en nuances. Comme la tête est désormais bien vidée de toutes décharges statiques, c’est l’heure de faire cogner les watts avec « Dr Cappuccino », un quasi-hymne à la révolte face au ronflement ambiant des lendemains difficiles, qui n’est pas sans me rappeler mes souvenirs de gosse et l’effet que pouvaient provoquer les sons de caisses enregistreuses du « Money » de Pink Floyd sur les boomers apathiques par temps de vaches maigres…

On comprend vite que le « Dr Cappuccino » n’était qu’un corsé avant-goût quand, suite à l’interlude « No one » et les avalanches sonores sur rythmes syncopés de « One note, No Samba », le bien nommé « O Nero » arrive comme une salve incendiaire entre orgies de sons à la Satriani et Zappa à faire fondre d’envie ou de jalousie les mouvances métal fusion d’aujourd’hui.

Entre coutures sans fil apparent d’ornements délicats avec des patches musicaux en tous genres, comme le court mais très intense « Hornett », savant mélange musical d’insectes stridents et de clins d’œil au bebop passé au vitriol noise, on passe à la démonstration de force avec l’ingénieux « Cavern » : tel un mammouth aux proies avec des déferlantes de sons de guitare électrique syncopés et des pointes de silex rythmiques qui lui font faire « ouille » sur ses pattes velues et dans ses yeux torves, le plus gros de la charge a lieu miraculeusement à contre-temps, les défenses empalant tout sur leur passage. L’album progresse comme ça pendant près de 40 minutes entre coups de folie proches du delirium tremens ponctués d’un rock noise à la manière du « Extrados » et de différentes strates atmosphériques telles que ballades mélodiques cold wave sur « No Drama » et « Reammo », en passant par les ambiances bruitistes de « Nord » et « Or ». L’album « One » par NO&RD est au final un gros bolide musical jouissif que vous n’aviez peut-être pas vu venir en cette fin d’année 2021, mais vous voilà désormais prévenus.

Crédits :

« One » a été enregistré et mixé par Nicolas Sacco, studio Cavern. Masterisé par Alberto Callegari. Dessins de Max Marchini. Producteur executif : Max Marchini.

Petite interview avec Régïs Boulard (batteur du groupe NO&RD), le 4 décembre 2021.

ADA : Bonjour, Régïs, pourrais-tu nous parler un peu de ton parcours musical, de tes influences et de tes chocs musicaux ?

Régïs Boulard : Je suis arrivé à la musique par The Who, tout gamin, vers 8-9 ans, et par hasard avec un 45 tours qui traînait, oublié par un pote de mes parents. C’est fondateur et toujours là : en découvrant la chanson « Baba O’Riley », reprise de batterie à 2’32’’, j’ai décidé d’être batteur. Authentique !

Et puis après quelques découvertes de mon temps via les punks, j’ai basculé dans le rock prog vers 15-16 ans, mes deux jambes étant Magma et King Crimson. A la reformation de Crimson en 80, j’ai découvert le droit de briser les règles, alors que jusqu’ici j’étais pétrifié à l’idée d’avoir mes propres idées et de devoir les mettre en œuvre. J’ai revu Crimson à deux reprises ces dernières années : j’ai toujours 16 ans, et 9 ans, chouette ! Je fais vite, mais dans les chocs, il y a Coltrane, surtout période 65-67, « Ascension », « Offering », « Expression » ... Pharoah Sanders, énormément, Albert Ayler, ainsi que The Art Ensemble of Chicago (je suis un fan immense de Famoudou Don Moye, le batteur). Et puis le jazz nordique, et surtout Terje Rypdal, un point qui nous relie Olivier Mellano et moi. Garbarek aussi... et puis Monk qui en tant que pianiste m’inspire bien plus que bien des batteurs. Steve Reich à fond, Philip Glass aussi. Mais je ne vais pas te noyer sous les noms !




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