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C’est en 1991, sur « I’m Your Fan » - inégal album de reprises en hommage à Léonard Cohen produit par Les Inrockuptibles, quand ils étaient encore rock -, que pour la première (et dernière) fois de ma vie, j’ai entendu chanter Jean-Louis Murat, qui s’était attelé à « Avalanche IV », pour un résultat à mourir d’ennui.

Bien entendu, je sais qui est Murat et quel rayonnement il a sur la scène française, avec son personnage de gentleman (?) farmer bougon qui, en interview, raconte n’importe quoi et tape sur des cibles trop faciles (Johnny Hallyday, PNL, Angèle). Je me rappelle également avoir vu passer « A Bird on a Poire », dont le titre m’avait fait marrer et aussi je me souviens d’une collaboration gênante avec Isabelle Huppert (je précise que je n’ai rien contre les actrices chanteuses et les chanteuses actrices, je m’en fous royalement).

BREF, j’ai suivi de très loin la carrière du monsieur et en outre je ne m’en cache pas, la chanson française, c’est pas mon truc. En conséquence, je l’admets bien volontiers, je suis le type le moins légitime du monde pour écrire une chronique sur cette compilation de reprises consacrée au vaste répertoire de Jean-Louis Murat.

Pourquoi une telle transparence, au moment de me lancer dans une entreprise vouée à me décrédibiliser jusqu’à la fin des temps ? D’abord, je me fiche d’être crédible et je n’aime pas faire semblant de connaître des trucs que je ne connais pas pour me faire mousser et passer pour un type cultivé. Ensuite, certains des artistes – originaires de la région Auvergne-Rhône-Alpes (thématique géographique oblige) - présents sur le tribute (Gontard, Chevalrex, Erik Arnaud) me sont musicalement familiers. Enfin, je me dis que c’est pour moi l’occasion, après des décennies d’évitement, de découvrir l’œuvre du natif de Chamalières ; peut être que ce soir, je me coucherai moins obtus. Par ailleurs, avant de m’atteler à la tache titanesque qui m’attend, notons qu’ADA avait publié en 2016 une relecture de « Mustango » - si je ne veux pas me faire virer avant l’automne, je me dois de muscler mes oreilles. « Ouh Ouh Ouh Ouhou Ouh Marlène ! ».

(deux heures plus tard – scrupuleux à souhait, j’ai écouté la version vinyle et ses 22 titres)

Zut, j’aurais mieux fait de me taire, ou de mentir. Comment évoquer « AuRA aime Murat ! », si je n’en connais pas les versions originales ? Je me suis piégé tout seul, comme un abruti.

(deux jours plus tard – épluché la période qui va de « Cheyenne Autumn » à « Mustango », soit cinq albums, indigestion)

Verdict : le chant de Murat est si particulier, languide et détaché, qu’il est difficile d’imaginer quelqu’un d’autre que lui pour interpréter des morceaux dont par ailleurs les textes aventureux, malins et imagés contrastent avec le flegmatisme dont fait preuve son auteur. En ce sens, ce sont les reprises les plus sobres qui remportent la mise - « Tout est dit » (Adèle Coyo), « Terre de France » (Whatever[shebringswesing]), « Au mont sans souci » (Frédéric Bobin & Marjolaine Piémont), « Perce Neige » (Stéphane Petrier) et « Rouge est mon sommeil » (Silvain Vanot). Néanmoins, le sommet de cette compilation est atteint avec « Le monde intérieur », hymne électro folk mélancolique interprété, à deux voix mêlées, par Delphine Fargier et Martial Semonsut, alias Hiver Pool. Je suis taquin, mais rien que pour cette belle découverte, merci Jean-Louis !