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Depuis quelques semaines, le chroniqueur consciencieux, sophistiqué et tourmenté que je suis erre, telle une âme en peine, aux portes du dantesque premier album de Bleu Reine : une telle humilité artistique, au service d’une ambition rare dans nos contrées – où l’on se contente trop facilement de textes nombrilistes à l’éclat pauvre et de suites d’accords détrempées –, nourrissant un registre aventureux au point d’en devenir exceptionnel, comment fait-on pour l’évoquer sans abuser de poncifs paresseux et de dithyrambes mécaniques ? Pourtant, chez ADA, depuis novembre 2022 et la review consacrée à la vidéo de Comme Un Seul Homme, à la sidérante beauté paradoxalement tragique et réconfortante, on se préparait à la vague de fond qui allait de plein fouet frapper l’hexagone underground. Qu’il s’agisse de Sighișoara, mélopée folk gothique, teintée de klezmer sauce The Cure, sortie en début d’été, ou de Retournée - son refrain addictif et ses guitares early Cat Power - débarquée en début d’automne, Bleu Reine avait tapissé de soie le chemin qui menait à La Saison Fantôme : des concerts en pagaille, seule ou accompagnée, et ce jusqu’en Roumanie, une émission radiophonique sur Radio Campus, la confection d’une troisième compilation de Noël dont les bénéfices sont destinés aux Restos Du Cœur, soit une activité sans pareille qui forcément intrigue – les journées de Léa Lotz sont-elles plus longues que celles du commun des mortels ? Et pourtant, si la production de cet opus inaugural, mixé avec l’aide de Clément Arnould, est faite maison, à la manière des petits plats d’antan lentement mijotant, à l’exception de quelques parties de batterie de Vincent Kreyder, de thérémine (les mains de Léa Jacta Est) et de chœurs entonnés par Lonny (Lorelei) et Stéphane Neige (également à la guitare sur Pâle Lumière), Bleu Reine avec maestria use de tout, voix, mots et instruments, pour un résultat impressionnant de musicalité, à tel point que l’on sent que même lorsqu’elle fait un pas de côté, c’est maîtrisé et, surtout, cohérent ; chez Léa, il y a plusieurs Léa. Entre le slow shoegaze au final épique sonique jazz psychédélique d’Un Visage Sur Un Nom, le riff stoner de Le Bal Des Sabres, au phrasé mélodieux évoquant Dominique A. et dont le pont beau à tomber s’infuse de post-rock, mais aussi le tubesque Grenat - son introduction binaire, sa tension cousue de motifs répétitifs et son refrain addictif -, une multitude d’univers flamboyants et néanmoins gorgés d’intime s’offrent à nous. En treize titres magistraux, La Saison Fantôme se fait le portrait d’une artiste tout simplement unique : masterclass.




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