Carrière distendue que celle du combo genevois Brazen, formé en 1995 et dont la dernière trace discographique remonte au Aura, Dora publié il y a dix-huit ans : à l’écoute de l’inaugural Trialog, nous voilà plongés dans un bain de sensations feelgood – le Midlake de Roscoe, la pop scintillante de Teenage Fanclub, la luminosité mélodique de The Posies, une pincée de rock californien 70s – et, avant même de nous attaquer à la suite des huit compositions de Distance, nous passons en boucle le premier morceau, tant tout y est bon et cool et doux à nos oreilles pourtant blasées. Alors, love at the first sight ? Storms In The Far, ses guitares scintillantes, ses chœurs aériens font le job, section rythmique enlevée, on dodeline, on se laisse porter, Running creuse le sillon, invoque Neil Young, tandis que l’énergique Let You Down se lance tête baissée dans un martèlement grunge aux solos malicieux et aux digressions metal opportunes. On sent chez Brazen un réel plaisir à reprendre le fil d’une discographie étirée dans le temps mais jamais passéiste. Poignante ballade énervée que Arms Of The Sea, aux accents hard-rock dilués dans une retenue précise et émouvante, teintée d’un lyrisme à la Muse, sans la frime ni l’exagération caractéristique du groupe de Teignmouth : après tout l’on navigue dans l’underground. Ce que confirme le folk Holocene Dies, enchevêtrement de guitares et de voix qui mènent au bord de la tombe mentale que chaque chanson émouvante construit en nos egos fatigués : les plages californiennes sont proches mais personne ne sait conduire, alors l’on rêvera au bord de lacs pollués ou lors de vagabondages sur le strip, à l’époque où les petits maigres faisaient vibrer le bitume, l’océan, jamais loin, l’océan dyslexique où l’on pourra toujours se noyer quand le courage manque. Hey Man et sa rythmique martiale, qui rappelle The Beatles ou Franz Ferdinand, saura vous maintenir la tête hors de l’eau, quand le dantesque et conclusif Bizarre Tragic Hollow Times sera le parfait compagnon de conduite de bagnole en bord de mer, ou du moins le long des routes sinueuse du lac de Genève. L’écoute du nouvel album de Brazen procure le même plaisir que Brazzers (oh, ouais je suis coquin !), une sacrée envie de replay : l’amour est au rendez-vous, et il est réciproque.