Copieuse réédition anniversaire que celle de Bubblegum, qui cet été fête ses vingt ans : quarante morceaux, douze inédits, des outtakes, des covers, des démos, largement de quoi raviver la flamme autour de l’américain Mark Lanegan, disparu en février 2022. Malgré une carrière en dents de scie perturbée par diverses addictions, le chanteur guitariste jouit d’une incontestable aura underground, que les seuls Screaming Trees pourraient justifier. Mais les side projects (Mad Season, Twilight Singers, The Gutter Twins), mais les collaborations (Isobel Campbell, Soulsavers, Martina Topley-Bird), mais les amitiés (il rejoint en 2001 les Queens of the Stone Age de son grand pote Josh Homme) : le pedigree du natif d’Ellensburg est aussi long que le casier judiciaire du Joker. Cela étant, pour se voir honoré de la sorte, ce Bubblegum, il a quoi de spécial ? Enregistré entre deux cures de désintox et marquant pour son auteur – lassé d’être catalogué alt-country – une rupture avec les disques précédents, le sombre et tranchant Bubblegum sera le plus grand (toute proportion gardée) succès de Mark Lanegan, qui pour l’occasion avait invité sur son disque rien de moins que PJ Harvey, Greg Dulli, Izzy Stradlin et Duff McKagan (ex Guns N’ Roses), ainsi que ses amis des Queens of the Stone Age. L’on comprend mieux l’enthousiasme critique suscité à l’époque de sa sortie. Outre les versions remastérisées de Bubblegum et du EP Here Comes That Weird Chill (Methamphetamine Blues, Extras & Oddities), Beggars Arkive nous offre, outre des inédits maquettés dans des chambres d’hôtel, le fameux Union Tombstone, sur lequel Beck a ajouté des voix et de l’harmonica : frissons. Voilà de quoi approcher au mieux l’intimité d’un artiste prolifique et paradoxalement discret, qui loin du strass et des paillettes aura su transcender ses démons intérieurs pour laisser une trace indélébile dans l’americana underground.