Je peux entendre ici et là, au sujet de cinquième album que le groupe renaît de ses cendres, histoire de coller avec facilité avec le titre de ce nouvel album. Mais pour renaître de ses cendres, il faut l’être....en cendre. Or, Mustang n’a jamais inscrit son nom à la rubrique nécrologique (rubrique où nous aimerions voir pas mal de noms de groupes graver pour l’éternité) quand bien même Jean Felzine avait avec l’excellent Chord Memory (un morceau est à retrouver sur le Volume 60 de nos compilations.), entamé une possible carrière solo.
Mon rapport avec Mustang était celle du type qui effectivement ferme la porte au nez pour des raisons funestes d’un à priori qui tend à se rendre ridicule au fil de la montée en flèche du temps de présence sur cette fichue planète. Il a fallu Memento Mori pour que je fende l’armure et que je m’intéresse de plus prêt au groupe emmené par Jean Felzine, seul un changement de batteur modifie la composition du groupe. Depuis, je guette la moindre sortie de Jean et sa troupe, finissant par trouver en eux, un pendant plus présentable, mais pas moins venimeux du duo Bruit Noir. Car comme chez l’ex leader de Mendelson, Jean Felzine n’a pas ce que nous pourrions dans les milieux autorisés appeler la carte. À l’instar de Kat Onoma dans les années 90 qui s’est vu fermé les portes (et les majors et les indés tés trop variéte ou t’es trop spé) Mustang peut légitimement se sentir ostracisé (pas de télé, pas de festival d’été). Si les Strasbourgeois finirent par rendre les armes, Mustang eux, non seulement, se battent, mais en plus donnent à qui pourrait ne pas bien l’entendre, le bâton pour se faire battre avec courage et un rien de provocation. Mais pour ne pas faire passer cela pour de l’aigreur, il faut, une plume qui sait manier le vitriol sans provoquer chez l’auditeur des remontés acides. En cela Jean Felzine est le manieur parfait. Usant sans jamais en faire trop d’une voix qui a plus d’un atout, il balance avec classe, tirant tel un escrimeur à la fois danseur et puncheur.
Pourtant, ce nouvel album commence par une chanson terrible, une autocritique presque inquiétante (Je Ne Suis Plus Aimé) quintessence de l’esprit Mustang, les violons en plus pour rendre la chanson presque épique. Il y a cette phrase, comme un néon éclairant ce travelling musical « Je ne sais rien faire d’autres que rendre les gens tristes » qui parachève ce qui pourrait s’apparenter à un standard, le monolithe que Mustang dresse pour tenter de prendre la lumière et de laisser les autres dans l’ombre. Dés lors pourra commencer le pilonnage en règle. Tout y passe, le traitement du COVID sur le détonnant Aérosol, l’infâme société ultra connectée sur Steve Jobs et ses dérives même les plus charnelles (le tubesque Mortification), la colonisation moderne des gendarmes du monde sur Barbelé Américain (Chanson que le grand Bourvil aurait fait sienne avec gourmandise), ou encore la nouvelle mémoire universelle pour le pire et rarement le meilleur Wikipedia (Les Pixies sous viagra).
Les comptes eux seront réglés sur La Porte Au Nez, à la one again encore un disque pour que dalle dirait Bouaziz. Jean Felzine y met une ironie encore plus mordante, comme l’aspirant légitime à qui on interdira toujours le droit de citer. Pas avar d’auto-dérision, il y met tout, même sa bite, la sécu. Jean Felzine est un caliméro punk rock, se moquant tout à la fois du système que de lui-même, car n’est-il pas en rajoutant une couche celui qui se coince les doigts dans cette fameuse porte (comme sur la Chanson Française, diatribe ironique au cyanure avec une envolée jouissive).
On y découvre plus tard une vision presque mystique sur L’Argent du Beurre. Est ce du lard ou du cochon, Mustang a-t-il le sacré comme encre et comme planche de salut déjà utilisées sur Mortification (Mustang sur la croix ?)
C’est une virgule musicale magique (Tiretoine Amen) qui se place là comme un moment de respiration, l’alcool fort entre les eux plats principaux. Mustang s’y amuse avec Thomas de Pourquery à prendre les mêmes chemins utilisés par Ennio Morricone pour rejoindre les grands espaces. Ces contrées lointaines, il est possible de les rejoindre en avion, et l’invitation nous est faite sur Aéroport. Morceau de bravoure en compagnie d’Arthur Teboul (auteur..... de chanson française) , reprenant la signature sonore de ces zones de transit (après Chauny, Jean Felzine s’en prend à Beauvais, mais qu’a fait ma belle Picardie) pour une chanson houellebecquienne sur ces espaces déshumanisés ou l’humanité se croise dans cet esprit factice de redevenir nomade avec comme unique source d’espoir, croiser l’amour. L’exotisme, le depaysement chaloupé, on le trouvera sur Aigre-doux, chanson de la perte de repère, comme une recette sucré salé de bananes flambées avec lesquels les expérimentations d’accompagnement seront nombreuses.
Disque gourmand dans sa thématique, Megaphenix est un album de combat contre les postulats, mais surtout contre ce qui semble gagner du terrain, la connerie humaine. Mustang pose un constat avec classe et poésie, n’évitant pas les dérapages tout en les contrôlant avec la maestria d’un cavalier domptant un cheval fougueux.
Je ne me souviens plus de quoi vivre cela consiste dit Jean Felzine, je ne peux que lui répondre d’écrire des disques comme ce fantastique Megaphénix. Mustang à la table des grands. Ouvrez-lui les portes en grand.