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Il m’a fallu un mois entier pour (ne pas) faire le tour du quatrième album de Porridge Radio, combo anglais fondé en 2015 par Dana Margolin dont la spécificité réside… oh et puis zut, shut up ! Il y a que – un vendredi après-midi plongeant sa molle quiétude dans les racines des heures nocturnes à venir – l’écoute des onze titres de Clouds In The Sky They Will Always Be There For Me m’avait plongé dans une sorte de torpeur fiévreuse, du genre de celle que l’on ressent lorsque l’on prend une grosse claque musicale. (ce qui est chez moi extrêmement rare). Tant de beauté, tant de vigueur, tant de noirceur, d’ironie rêveuse, d’amertume et de désespoir, interprétés dans la langue maternelle des larmes – chant vibrant, instable, comme projeté contre les murs mentaux, ça résonne, ça vous parle, ça vous mène au bord du précipice. Les jours suivants, tandis que mécaniquement je vivais ma vie mécanique, je repoussais les retrouvailles : non par peur d’être déçu ou de me tromper, loin de là, être déçu, se tromper, tant qu’on a vibré, c’est pas grave, j’avais juste besoin d’attendre que les planètes s’alignent pour goûter à nouveau aux cathartiques complaintes de Dana et ses comparses, Georgie Stott (claviers), Sam Yardley (batterie) et le nouveau venu, Dan Hutchins (basse). Sans surprise, le bon moment n’arriva jamais, et c’est ainsi qu’au cœur de novembre, dans le train entre Paris et Concarneau, je me décidais à reprendre contact avec ce Clouds, etc. à l’intitulé poético-pessimiste aussi long qu’une nuit d’hiver à Narvik. Inutile d’insister sur la structure éclatée des compositions, plus mélopées que chansons et dont la narration repose avant tout sur la variation de l’intensité, ou les arrangements bordéliques néanmoins épurés, ou le chant si particulier de Dana Margolin, voix puissante, voix tremblotante : chroniqueur retardataire, je suppose qu’ailleurs ces caractéristiques auront été relevées, et en mieux. Pas non plus la peine de préciser que l’introductif Anybody, lente montée polyphonique sur un unique accord joué au clavier, incantation vaudou, apologie de la recherche de l’effet maximal, final ascendant shoegaze psychédélique invariablement vous prendra par le colbac. Vous le savez déjà. Par contre, les morceaux défilant (bien meilleurs en ternaire qu’en binaire – A Hole In The Ground et son phrasé early Cat Power ; le diamant brut Lavender, Raspberries ; le mirifique slow Wednesday ; la ballade atmosphérique Pieces Of Heaven), une idée fixe parasite mon esprit. La voix chevrotante, bavarde voire criarde, l’architecture flottante, la finition à l’arrache, le tempo décousu, l’enthousiasme crépusculaire, ça ne vous rappelle pas ce petit groupe new-yorkais des 2000s, les Clap Your Hands Say Yeah ? Pensée impure, j’en conviens, qui biaisera l’appréciation du nouvel opus de Porridge Radio et diminuera encore (si c’est possible de tomber plus bas) la crédibilité de l’auteur de cette chronique, mais impossible de faire fi, tant certains morceaux prolongent mon trouble, à l’instar du mid-tempo God Of Everything Else, dont le refrain m’évoque The Cranberries (argh), ou du très Lana Del Rey / Cocteau Twins In A Dream I’m A Painting, convaincant bien que les dissonances harmoniques froissent l’oreille, tout autant que le saxophone en mode la-croisière-s’amuse à la fin du grungy Sick Of The Blues. Zut. Point de perfection à l’horizon. Je me voyais bien hisser Clouds, etc. sur le podium des albums de l’année, il n’en sera rien, même si ses nombreuses qualités (exubérance, liberté, sincérité) le placent largement au-dessus de la mêlée, et ce particulièrement grâce au cœur immense / atrophié / à protéger de l’intense Dana Margolin, que l’on sent palpiter sans retenue jusque dans les méandres les plus reculés de chansons qui n’en sont pas vraiment mais qui sont bien mieux que ça. Porridge Radio me désappointe, j’adore.




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