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  • 4 mars 2025 /
    Cvantez
    “Sourdeval” (Dust Rose)

    rédigé par gdo
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Un jour, il me sera demandé de faire le bilan de ces années de chroniques, d’écoutes jusqu’à l’overdose, de prises de position hâtives, de coups de cœur futurs coups de canif dans la pseudo-crédibilité, pour au final me faire sortir une substantifique moelle de ma discothèque ultime de la musique dite souterraine. Les noms seront aussi faciles à coucher et pas si nombreux au final. Dans celle-ci trôneront en tête de liste avec Pumuckl, Lou, Angil, Del Cielo, The John Pauls, les Parisiens de Cvantez, groupe emmené entre autre par Olivier Salaün. Depuis bientôt 20 ans, le groupe développe avec noblesse un artisanat musical, donnant au temps les reines d’une embarcation qui ne se précipite que pour fuir la laideur.

Avec un matériau simple, tel un Martin Parr, sans la volonté quasi-frénétique de produire, le groupe capte l’air du temps, avec des yeux neufs, mais dans une position artistique qui serait l’équivalent de celui du sage qui confronte ce qu’il voit, ce qu’il entend avec des structures musicales qui élargissent la pop et le rock.

En utilisant une photo sépia (il y aurait beaucoup à dire sur la qualité jamais démentie des artwork des cinq albums de Cvantez) le groupe ne regarde pas dans le rétroviseur, mais s’absout quand même l’obligation de ne pas se figer dans le présent pour contempler. En dix morceaux jouant un ping-pong entre le français et l’anglais, Cvantez signe avec Sourdeval (village normand) son album le plus complexe à aborder, car le plus multiple, mais gagne paradoxalement en immédiateté de par cette même capacité à prendre des directions diverses.

Le ton, ici sarcastique est donné dés Z-Movie, titre conçu dans les mêmes contrés que ce bar, dans la mer des dieux. Cvantez va nous donner de quoi nous perdre pour mieux les retrouver. Avec La Sainte Vague, on tangue vers un classique, ou comment écrire un morceau que Sonic Youth adorerait, pour sa structure, par son économie sonore, ou la distorsion serait remplacée par des cordes, et par le chant énigmatique par tant de sensualité rentrée d’Eloïse Dandoy. Chez Cvantez, on est comme dans le cinéma de Manuel Poirier ou d’Erick Zonca, mettre de l’universel partout, même au pied d’un roseau qui ne plie pas plus qu’il ne rompt.

Passant d’une chanson noisy punk rageuse et espiègle dans sa façon décomplexé de chanter en anglais sans y mettre les formes, à Sourdeval morceau aux vingt à trente mille jours, d’un tube facilement reconnaissable par son pouvoir d’attractivité évident (So Wrong) à Make Up en mi-tempo, complainte que Tarnation aurait laissé échouer sur la côte normande après un périple dans des pensées poétiques diluées dans une eau mouvementé. Une des surprises sera cette rencontre avec Adam de l’Eden, chanson à tiroirs qui nous montre une nouvelle facette chez Cvantez.

Avec Pure, retour aux fondamentaux, à la structure classique qui en s’installant sur la longueur ne parvient jamais à nous perdre, nous fait juste peur de sombrer dans le chaos, mais l’évite avec une élégance rare. Tanins nous aguiche de ses contours andalous, torero que nous sommes, entamant des pas de danse comme une parade amoureuse. Il sera temps alors de prendre congé de nous avec Father in Pain, chanson avec un son typiquement cvantezien (des guitares reconnaissables comme un passement de jambes de Neymar) qui glace les sangs avant de nous emmener en balade, comme si le brouillard du début, rendait la cavalcade possible, une fois la frontière passée.

Disque classique, Sourdeval est du grand d’artisanat d’art, une pierre de plus à l’édifice Cvantez dans lequel il me sera ad vitam nécessaire de me réfugier pour me sentir bien.