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On me demandait récemment quelles étaient mes attentes musicales pour l’année qui venait de naitre. Sans réfléchir, assez spontanément je répondais le nouveau Mogwai car le rapport que je peux avoir avec le groupe va bien plus loin que la simple écoute d’une musique pour se distraire ou pour s’émouvoir, non quand j’écoute Mogwai il se passe quelque chose d’assez incroyable. J’ai le sentiment d’entendre l’intérieur de mon corps me parler, celui ci par l’entremise des morceaux des écossais semble enfin pouvoir s’exprimer autrement que par la douleur ou le bien être des étirements. C’est difficile à vous expliquer.

Après la B.O. de la série Les Revenants nous n’attendions pas de si tôt une suite au fantastique « Hardcore Will Never Die, But You Will » et à l’étonnant EP « Earth Division » qui laissait planer une forme de doute sur la direction que le groupe prendrait. « Rave Tapes » ne rassurera pas les puristes car les écossais laissent de plus en plus l’électronique venir s’immiscer dans leurs compositions, donnant une lumière nouvelle là où l’épaisseur du son se fait moins ressentir (légèrement), laisse une empreinte moins marquée. Avec « Remurdered » Mogwai fait un pas de géant, bouscule ses habitudes et remue les tripes de mon corps rabougris. Ce titre semble se plonger chez Kraftwerk, comme on plongerait une pièce de métal dans un bain d’acide. Il en ressort quelque chose de monstrueusement addictif, presque dansant (si si). « Hexon Bogon » viendra calmer nos ardeurs nouvelles, nous écrasant de sa basse imposante et de ses lignes de piano presque en souffrance, frappées plus que jouées. L’Apocalypse chez Mogwai n’est pas un concept, on tente de le maitriser en le provoquant. « Rave Tapes » est aussi un disque de plus en plus revendicatif, presque politique, en témoigne « Repelish » morceau accompagnant la diatribe anti rock n’roll du révérend Lee Cohen, comme si le diable reconnaissait les siens dans les champs supposés du paradis. L’évidence de « Master Card » nous fait tout autant réfléchir sur le pouvoir des sons collés à un mot que sur notre propension à ne plus être heureux sans consommer.

Et je ne peux que me dire que mon corps va me jouer un tour, que « Heard About You Last Night » et « Simon Ferocious » étaient des caresses, car l’ambiance va devenir pesante, et la perte d’un des parents n’est peut être pas étrangère à cela. « Deesh » nous plonge dans une abime sentimentale que la mélancolie lourde de « Blues Hour » ne parviendra pas à nous sortir, comme si Swell naviguait à vue dans une eau recouverte d’un brouillard lourd et dense, empêchant de contempler la possibilité d’une ile.

« No Medicine For Regret » fera tomber nos dernières murailles avant de laisser passer les flots de larmes, coulant à l’écoute d’un titre qui fera dire aux entrailles de mon corps « laisses tomber la lutte est sans intérêt, j’ai le pouvoir, n’y pense même plus ». Il sera temps alors de reconnaître en « The Lord is Out of Control » une fin logique, une forme d’épitaphe à un disque qui ne mentira à personne sur ce qu’il est, et pour ceux comme moi qui voient en Mogwai un traducteur de notre intérieur, la vérité brute et dure que le sens n’est certainement pas à chercher, car il n’existe pas, enfin si, il est fatalement unique, comme l’œuvre de Mogwai. Flippant et impressionnant.