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Un peu plus de deux décennies après que ses deux premiers albums Young Team et Come On Die Young en précurseur notamment des groupes du label canadien Constellation, aient plus ou moins défini le concept même du genre post-rock, Mogwaï revient avec un onzième album sublime qui vient renforcer une nouvelle fois la fascination et l’importance du groupe au cours des vingt-cinq dernières années.

En effet, sur As The Love Continues, Stuart Braithwaite, Dominic Aitchison, Martin Bulloch et Barry Burns réussissent de nouveau à matérialiser à la fois, une forme de fidélité inébranlable au son de leurs débuts, tout en continuant à en distendre les contours, les faisant au fil des années par touches successives, imperceptiblement mais durablement évoluer.

Depuis Rock Action, l’influence des sonorités électroniques (claviers et boites à rythmes) s’est immiscée au cœur des compositions élargissant le terrain de jeu du groupe et refait sans surprise son retour en mode majeur sur Here We, Here We, Here We Go Forever en relais de To The Bin My Friend, Tonight We Vacate Earth. Sur celui-ci sa présence est plus discrète, telle une légère pulsation initiale pour accompagner l’ouverture au piano, et initier la montée vers un mur de son de guitares saturées et denses dont le groupe a le secret. Cette saturation sonore, a la grande qualité sur l’ensemble du disque par exemple sur Drive The Nail ou le libérateur Ceiling Granny de conserver une grande lisibilité, presque une forme d’épure, ou de ligne claire au service de la puissance.

L’empreinte électronique s’applique également à pervertir au vocoder les voix (parfois jusqu’à l’abstraction sur Fuck Off Money par exemple) en contrepoint d’un traitement plus aérien lorsqu’il s’agit de souligner subtilement la participation de Colin Stetson (dans un joli cousinage d’outre-Atlantique) et de son saxophone sur Pat Stains. La voix, est probablement un des axes sur lequel le groupe a le plus évolué depuis ses débuts et le groupe ne cherche plus forcément à la distordre, la masquer. A cet égard, Ritchie Sacramento en donne un bel exemple et met en relief un texte à la mélancolie poignante, que la dynamique sonore vient transcender, portant l’auditeur, potentiellement les yeux un peu humides, dans un drôle d’état d’apesanteur, tel les personnages du clip sublime qui accompagne le titre.

Ce soin pour l’esthétique visuelle, si elle n’est pas nouvelle, souligne l’importance dans le travail et le goût du groupe pour les BO de films(*). Ainsi, Midnight Flit, et son envolée de cordes sublimes frisant l’outrance à l’heure ou la foudre s’abat sur le morceau, ou le très onirique et cinématique Dry Fantasy en offrent deux exemples remarquables sur lesquels poser ses propres imageries mentales.

Difficile de savoir si le titre du final It’s What I Want To Do, Mum, est une carte postale adressée à leurs ainées, ou juste une nouvelle fantaisie dont le groupe raffole dans l’appellation de ses compositions. Si tel était le cas, on serait tenter d’ajouter en post-scriptum, si il était besoin, que la Young Team peut assumer avec fierté ses envies de jeunesse, car oui, ce qu’ils voulaient faire, il le font toujours, et sacrément bien. Et Mogwai en ce début d’année 2021 de confirmer, comme The Notwist ou Tindersticks récemment, leur statut de valeur refuge.

A Découvrir Absolument

(*) : Les films. Mais si, souvenez vous, ces trucs qu’on allait voir dans des salles noires avec des grands écrans blancs après 18h, ou le weekend. Mais si, avec des inconnus assis à côté de nous. On partageait l’accoudoir avec eux. Non, sans déconner. On se frôlait les coudes des fois. Même qu’on râlait salement quand ils mangeaient du pop-corn la bouche ouverte ? Parfois, on échangeait un regard, un sourire complice en sortant….Non, vraiment ? çà vous dit rien ? Bon, dommage. Je vous jure, c’était bien.