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Retour à la Scène Michelet de Nantes pour une soirée annoncée comme Post-Rock, Math-Rock, Indie-Rock ; ce soir, si je viens avant tout pour Jean Jean, venus défendre leur récent Froidepierre, les deux autres groupes m’intriguaient de même, toujours cette même appréhension quand on vient coller des étiquettes aussi passe-partout que Post-Rock à des groupes ; sans connaître les groupes, on risque de se retrouver devant un énième copier/coller emmerdant d’Explosions in the Sky (ce qui, cela dit, passe toujours bien mieux en live qu’en studio).

C’est avec les rennais de Fragments que débutera la soirée : les instruments débordent sur l’avant-scène (plus pratique pour ranger rapidement et enchaîner les groupes, plus convivial pour le public), donnant un cadre intimiste collant à merveille aux compositions du groupe : à l’aide d’un clavier/sampler sur la droite, d’une batterie dont on multiplie les nuances par l’apport de différentes baguettes (ouatées au bout, ou une sorte de fétu de branches, en plus des baguettes traditionnelles), et de deux autres claviers et une guitare à gauche, le groupe crée des atmosphères spleenesques, un poil cotonneuses, toujours très légères, sans vraie menace et (presque) sans enjeu, ce qui n’est pas forcément un défaut : une sorte de plainte et d’invitation au voyage, servie par des musiciens généreux, aux grands sourires jusqu’aux oreilles, qui prennent plaisir à jouer, et à se moquer de leurs morceaux qui finissent presque tous en « i » - Helsinki, Grizzly… Si Post-Rock il y a, c’est du côté des groupes ambiants qu’il faudra chercher les influences.

La suite de la soirée devient subitement plus tendue, corsée avec Quadrupède, duo du Mans qui discutera peu, jouera beaucoup (avec nos nerfs aussi). D’un côté une batterie qui occupe largement la moitié de la scène, munie d’un sampler ; de l’autre, un pedalboard généreux, un autre combiné sampler/clavier, encore deux caisses claires, et un guitariste prêt à en découdre. Cette fois, on a quelque chose de bien moins cadré, quelque chose de chaotique et effréné, où pour tout moment de repos on aura ces courtes pistes atmosphériques entre deux morceaux. Implosion de plein de petits motifs électro piquants, empruntant autant à la chiptune qu’au trip hop, sur lesquels se greffent des changements de rythme incessants, des colères et roulements de batterie tribaux, et une guitare qui boucle et rajoute des couches, le duo propose une musique aussi dense qu’imprévisible, qui vient pourtant nous faire remuer involontairement tout le corps. Point d’orgue du set : un morceau finalement bien plus dépouillé d’effets, qui se consacre corps et âme à être avant tout efficace, et rappelle les grands moments d’And So I Watch You From Afar.

Comme si on n’avait pas encore suffisamment sué, après deux bonnes impressions, les parisiens tant attendus débutent enfin leur set, avec ce qui sera le running-gag du set : « désolé pour le retard ! ». De nouveau, on observe une joie communicative folle chez ce trio soudé, plaisantant autant entre eux qu’avec le public : un guitariste au groove infernal, un batteur bouche-bée tout le temps des morceaux, donnant une impression de poisson rouge s’acharnant sur ses futs, et un lanceur de sampler / claviériste (et chants de baleine sur quelques morceaux) qui fait sa gymnastique pendant le set, vient « voler » quelques coups de cymbale au batteur, et sort même une batte de baseball pour frapper dans un moment cartoonesque une cymbale.

Le set est largement consacré au nouveau sorti Froidepierre, dont les morceaux sont revisités en live dans une version plus acharnée, brutale et enivrante : guitare plus tranchée, clavier/nappes plus marquées, batterie lourde, le tout dans un sentiment de force et de maîtrise anobli par la confiance immédiate que procure le groupe en live : non seulement ils jouent, mais surtout ils s’amusent comme des fous. Toujours, entre chaque morceau, « Bon désolé on a un peu de retard » ou remarque similaire, avant de lancer les décharges analogiques de samples survoltés - on pense à Electric Electric, en plus jovial. Après un « Coquin l’éléphant » magistral, lancé par un sample de voix surpitchée annonçant plein de noms d’animaux avant de bloquer sur « éléphant », et mettant toute la salle dans une liesse bouillonnante, un dernier extrait de Froidepierre clôturera la soirée de la plus belle des manières. Math-Rock, Indie-truc ou Post-Machin, au final on s’en fiche un peu, on retiendra surtout que ces Jean Jean là ont un talent indéniable à fédérer, à partager une joie folle à travers leurs mélodies et leur énergie irrésistibles. Bravo messieurs, bravo.




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