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Un jour, on expliquera aux talentueux petiots, dans les conservatoires, entre deux cours de solfèges et trois heures de doigts sur les instruments, la magie qui opère quand "La ballade de Jim" passe dans les sillons de B52’s, comment l’artiste est une osmose sensorielle entre Ian Curtis et Lisa Minnelli, un jour, on donnera des cours d’influences et confluences entre trois portées et cinq cordes. On citera des exemples, on fera des examens surprises, on demandera d’énumérer des artistes ayant plus de tête que cerbère, et plus de cœur que Brel et Jeff Buckley, qui aient la puissance d’Iggy et d’Einaudi. Les petits écoliers se creuseront la cage crânienne, jugeront Bashung, Manset, Bowie et Mick Jones, auront un doute sur Wagner et Mozart, les cancres racleront Clayderman, Kenny G, et ceux sans futur émotionnel, auront un zéro accolé a Maitre Gims ou Kenji, ceux qui sortiront de la classe avec leur mention, auront cité les plus grand, et au dernier rang, sans pouvoir y croire, un marmot songeur dont les doigts pianotent sans cesse, verra avec bonheur que ce qu’il a osé écrire, lui a valu la mention d’honneur. K !, en caractères gras, en entête de sa feuille photocopiée a l’alcool bleu. Il reliera chez lui, après les félicitations de ses parents convaincus jusque là que la musique n’apportait rien à mettre sous la dent, cette dissertation obligée mais sournoisement libre sur l’artiste complet, les doigts suivant les lignes d’une écriture irrégulière, trop souvent portée par les hauts et bas de ses propres et intimes frissons, comme une suite de notes haletantes, qui sont croches et infini crescendo. Sous le duvet, a la lueur de sa lampe de poche, dans son pyjama qui hésite entre l’amour adulte et l’amour enfantin, il traversera de ses yeux les mots que lui ont provoqué un disque de K !, encore posé dans le lecteur, puisqu’il passe en boucle, il relira la dissertation cinq étoiles sous le ciel, millier d’étoiles.

Oh, tous ses mots ont raisons, syllabes a syllabes, et malgré la calligraphie odieuse, la beauté s’installe aux strophes.

Il a si bien évoqué cette voix de mère, la douceur dans ces contines, d’une chaleur familière, et son antonymie, cette fille de bar dont la voix est un geste qui déchire un bas résille, mais sagement aura garder un équilibre en ne parlant d’autre chose qui ne soit musique, il aura cité ça et là des Jeanne Moreau acides et Maurane sucrées. Puis, intelligemment, il aura définie l’habitat de la créature/créatrice, cette scène de rideaux rouges vifs presque sang, des plantes grimpantes aptes a abriter des pendus, des pans de murs de briques graffités, là une hache, là un boa de plumes artificielles, un bar de cabaret vide, un chemin ensoleillé au bord du bois, un rebord de fenêtre regardant des routes de départ. Il aura tissé la base, posé les fondements, appliqué, bon écolier, il a, en suivant, décrit le disque provocateur des frissons. Ces décors sont des ruelles de chansons françaises, Sanson, Barbara, Croisille, Rieu, Piaf, bien sur, la goualante de Piaf, plein l’ont usé, peu l’ont aimé comme K !, dans les anamours et les inamours, dans les alentours et les entrailles. Des ruelles avec leurs jolis recoins et leurs déchets, avec les gens heureux et les amers, une ruelle avec ses phrases gravées, rebelles graffitis, tatouages enfantins. Des ruelles rock, qui ne mâchent pas leurs mots, qui haïssent en demandant pourquoi, qui aiment en expliquant les pourquoi pas. Des ruelles de sons aigus transperçant les bulles légères des berceuses, des boites a musique, bijoutier des oreilles, des ruelles qui emplissent des villes, et plus loin encore. L¡étudiant aura placé K ! A l’épicentre de ses frémissements, et le correcteur ne s’y est pas trompé, lui aussi chaloupé par le cirque charnel, ce disque est un excellent exemple de chair de poule, d’où la note en haut de page. Intéressé, il ira même jusqu’à l’écouter, plus mur, il notera le saugrenue des paroles, cette vérité sans maquillage des mots, et les petites ironies qui pansent ces infinies quêtes d’amour, la rythmique parfaite des pianos et les allongements des orgues, la poussière qu’engendrent les guitares et la puissance coquine de la voix, froidement, il aimera la production bien accrochée a chaque style employé, et l’homogénéité des chansons, le savoir faire des musiciens, la clarté du projet, mais au bout des multiples et sérieuses écoutes, il se trouvera emporter dans le rêve écrit de l’écolier, messieurs, nul besoin d’étudier K !, juste la sentir piquer de son savoir, vécu, et de son talent, nul besoin de thèse, sinon cette poésie qu’a égrainé l’écolier, qu’engendre Madame, triste, singulière, tango et swing, nul besoin de contrôles surprise, la femme en boite, est assez surprenante pour cela, juste, comme le petiot, sentir le frisson, exprimer la sensation, et mention d’honneur. Un jour, au conservatoire, entre deux cours de théories et pratique, il y aura une classe spéciale, de sentiments, une récré des cœurs, l’apprentissage des thèmes.




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