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Qu’il est loin le temps où une chanson comme « Fall », aussi belle qu’une sépulture sentimentale, savait – sans effets de manche - vous remuer les tripes : de retour avec un septième album ambitieux, Editors s’allie avec Benjamin John Power alias Blank Mass pour se lancer dans rien de moins qu’un électro rock à destination des stades. Je n’attendais rien de « EBM » mais je dois dire que chaque morceau a su me surprendre, m’arrachant sourires sarcastiques et soupirs amusés. Il s’est passé quoi dans la tête de Tom Smith ? Pourquoi chasser sur les terres de U2, Muse et Depeche Mode alors que personne ne le leur demandait ?

Les Brummies d’Editors et leur chanteur au charisme anecdotique furent un second couteau crédible du retour du rock des 2000s, alternative honorable à Interpol, avec qui ils furent facilement et souvent comparés, et leurs premiers disques sont très corrects, avant que l’intérêt du public et de la critique ne s’émousse. Vous allez me dire, ils n’avaient pas grand-chose à perdre, et quand on n’a pas grand-chose à perdre, autant foncer dans le tas ! « Heart Attack » donne la tonalité d’un album sans temps mort : bouillie technoïde qui fera, dans un Zénith imaginaire, lever les foules, le morceau – bourrin et kitsch à souhait - illustrerait à merveille une des fameuses courses poursuites de Fast & Furious, avec plan fixe sur le regard vide de Vin Diesel. Certes, les guitares en sauvent la fin mais c’est tout ce qu’il y a à retenir et, paradoxalement, ce sont les fins qui sont les meilleures, comme dans « Silence » et son (lointain) mur électrique, et « Strawberry Lemonade », ou tout simplement parce que les chansons – enfin – se terminent. Quand on pense que Blank Mass se réclame d’Ennio Morricone et Mogwaï, ça laisse songeur.

Neuf titres, c’est court et, en réalité, c’est long. Alors, pour se distraire, on imagine Tom Smith et ses Editors, habillés en sorcières et penchés au dessus d’un chaudron magique, en train de laisser mijoter une bonne grosse Soupe de Stade, et d’y ajouter les influences qui aideraient à faire passer la tambouille : la frénésie des Klaxons (syncopes et phrasé de « Picturesque »), l’intro sexy à la Blondie (« Karma Climb »), David Guetta et son EDM de demeurés (« Vibe »), le « ça part dans tous les sens mais on maîtrise yeah les mecs » d’Arcade Fire (« Educate ») et de la grosse techno binaire pour les dimanches matins en rase campagne (« Strange Intimacy »). On remue, on remue, on remue, et ensuite, la touche finale : chaque refrain sera martelé jusqu’à l’évanouissement de l’auditeur. « EBM » a trop forcé sur le botox : direct à la poubelle.