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Enregistré entre Los Angeles et Dublin, le quinzième album du californien Mark Oliver Everett – qui vient de passer la soixantaine, bon sang, le temps va trop vite, je me souviens avoir en 1996 remué des fesses dans les rayons du Zara de Brest, tandis qu’à la radio passait le tube Novocaine for the Soul, autant dire que c’était hier et que oui, quand on n’a pas de thunes, on s’achète des fringues de merde (c’est toujours le cas) – se voit agrémenté des contributions de Koool G Murder, The Chet, Tyson Ritter et Sean Coleman. Longtemps solitaire (on se rappellera le look Unabomber des débuts), E semble, l’âge venant, le grand âge venu, plus cool et solaire – il a récemment subi une opération du cœur –, au point de faire un caméo dans Ant-Man and the Wasp  : Quantumania, une (anecdotique – même si je kiffe l’acteur Paul Rudd) (rien à voir, mes trois chouchous : Will Ferrell, Owen Wilson et Woody Harrelson) production Marvel : la novocaïne pour l’âme est loin, à lui les joies de la paternité et la frime rigolote – « Hey fils, je chante dans Shrek 2 !!! ». Et donc, c’est avec le folk épuré Time, dont le phrasé rappelle REM et Bob Dylan, que s’ouvre ce nouvel opus, le bien nommé Eels Time !, intitulé évoquant le genre de revues patrimoniales auxquelles à Las Vegas parfois certains artistes se livrent, à l’issue de carrières bien remplies qu’il s’agit de faire fructifier. Entre ballades mélancoliques (We won’t see her like again, un léger parfum de Mercury Rev), rock poisseux au beat qui claque (le mini tube Goldy, voix trafiquée et ligne de basse 90s, impec) et pop psychédélique (Sweet Smile, solo de guitare sixties gorgé de fuzz), Eels ne s’interdit rien, parce qu’avant tout il s’agit de chansons et, en matière de songwriting, notre homme sait y faire, comme sur un Haunted Hero particulièrement poignant, lyrique d’un lyrisme sobre désormais inaccessible aux Arcade Fire et autres antiquités des années 2000. Alors certes, If I’m Gonna Go Anywhere est poussive (production boursouflée à la Archive), And You Run s’avère trop espiègle (marre du revival 60s, on n’a jamais fait mieux que The Zombies, il faudrait passer à autre chose, non ?) et Lay With The Lambs manque d’inspiration – bordel organisé sur fond de sonorité modernes et de piano joué à deux doigts, stop. Oui, on le sait, Eels a toujours eu le vilain défaut de booster des compositions faiblardes par des arrangements foisonnants et des climats aventureux mais nous, on veut des vraies chansons, qui se tiennent sans pyrotechnie ou effet de manche ! Okay, la ballade à la papa Song For You Know Who fait le job, ainsi que I Can’t Believe It’s True (jolie comme tout), mais on veut un peu de folie !!! Ni la complainte trafiquée On The Bridge ni le conclusif Let’s Be Lucky ne répondront à cette envie de sommets, de vertiges, de climax qui est la notre, tant pis, pas grave, Eels n’est pas pour autant un artiste en déshérence, d’autant plus que sa joie de composer reste contagieuse. Et après tout, même si Eels Time !, une fois passé son début plaisant, est anecdotique, l’on ne peut que se féliciter, à l’aune des disparitions précoces de Vic Chesnutt, Elliott Smith et Mark Linkous, de disposer en la personne de Mark Oliver Everett de l’un des derniers survivants de la pop racée des 90s, à cheval entre héritage 60s vachement bien digéré (zéro complexe) et production décontractée, lo-fi et do it yourself. Rien que pour ça, respect : tu dures, j’adore.




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