Propos recueillis le 18 février 2006 à la Route du Rock Collection Hiver 2006.
Rencontre avec les San-Franciscains de Thee More Shallows lors de leur passage à la Route du Rock Collection Hiver 2006. L’occasion pour eux de convertir le plus grand nombre à la finesse d’une musique qui se présente comme au sortir d’une nuit de rêverie, l’esprit embrumé et en rock de chambre ; l’occasion pour nous d’entendre les auteurs de l’impressionnant More Deep Cuts, un deuxième album qui convoque l’hyperactivité mélodique des Flaming Lips et la classe modeste de Sparklehorse. Au nombre de trois, ils se livrent sans déplaisir au principe de la discussion à bâtons rompus. Pour un résultat à l’image de leur prestation de la veille : un poil décousue, mais évocatrice…
" Three men with no sleep "
— Dee Kessler [chant, guitare…] : C’est une super opportunité pour nous de jouer ici et de proposer notre musique. Comment on en est venu à jouer dans ce festival ? En avril on se produira à Nantes et les organisateurs étaient en lien avec ceux de la Route du Rock…Tu penses que les gens ont aimé notre prestation ? Le truc c’est que ce que tu as vu sur scène c’est trois types totalement crevés. Notre voyage a été très éprouvant : neuf heures d’avion, du bus, deux heures de train, onze heures de bateau… En tout on n’avait pas dû dormir plus de quatre heures… Tu ajoutes à ça que je ne maîtrise pas la langue. J’étais un peu tendu, j’ai tenté une ou deux blagues mais… On s’est dit après que j’aurais mieux fait de communiquer en Anglais. Et puis on a eu un souci technique. Enfin un souci technique… On avait oublié d’alimenter notre PC. Mais ça tu l’écris pas t’es gentil (rires)…Donc voilà. Tu me dis que nos chansons semblent se terminer de manière abrupte ? Ouais sans doute…C’est lié aux boucles que l’on utilise. Elles, elles continuent de tourner, tu vois. En concert Jason [Gonzalès, ndlr] et Chavo [Fraser] s’échangent les rôles à la basse, la batterie, la programmation…
— Chavo Fraser [batterie, basse, programmation…] : On est batteurs de formation. Sur l’album on jouait chacun notre tour. Celui qui ne jouait pas pendant les prises de batterie s’est mis naturellement à se familiariser avec les claviers, la basse, le sampling…
— Jason Gonzales [batterie, basse, programmation…] : Du coup sur scène c’est logiquement qu’on échange nos instruments.
— DK : Ouais, la batterie c’est un truc que je ne maitrise pas. Ces deux là sont bons (rires)…En tout état de cause, on a apprécié jouer ici. Encore une fois c’est une super opportunité. On peut faire plus de promo ces derniers temps. C’est pas mal…
" Control Freak "
— DK : Tu sais nous on fait de la musique depuis quinze ans. Notre musique ça tient de l’artisanat. On s’est pas mal améliorés. Sur le plan technique. Sur le plan aussi de ce qu’on pense pouvoir attendre de la musique. Mais bon dans un sens je pense qu’on est un peu comme ces plantes qui tardent à éclore tu vois… Pour tout ce qui touche notre musique, je veux tout contrôler. La composition elle-même est un va-et-vient entre une ligne directrice que je trace et les idées des autres. Par la suite, j’aimerais qu’on compose quelque chose de plus direct et issu d’un processus encore plus commun. J’ai écrit quelques trucs. J’écris en permanence […] On va laisser les cordes de côté pour nos prochains enregistrements. De toute façon, pour cinq dollars n’importe qui peut être Neil Diamond maintenant. Je veux que nous obtenions un son plus sec. Que le tout soit plus immédiat. Notre prochain EP, Monkey vs. Shark sort sur Monotrem en Avril. Et puis on est en contact avec Anticon pour un 7’’. On va voir s’ils sont intéressés. Si on peut faire un album complet…
" Classical Work "
— DK : J’ai l’impression que dans l’écriture pop ce qui prime c’est la mesure. L’instant. En ce sens je ne crois pas que l’on puisse qualifier notre musique de pop. Ma voix peut-être…En revanche, je dirais que notre écriture est plus " classique " au sens où ce qui importe dans le morceau c’est là où il va, non où il est. C’est pour cette raison que nos morceaux requièrent une oreille attentive. Ils s’inscrivent dans la durée. On ne peut pas juste en écouter un extrait, il faut s’y plonger totalement. Du coup, je ne sais pas si ils se prêtent à une écoute distraite sur un lecteur Mp3 en mode aléatoire… En revanche je suis sensible à l’idée d’une écoute au casque. Beaucoup de gens écoutent la musique au casque. J’y pense quand on conçoit l’album. Le casque ça te donne vraiment l’impression que la musique circule autour de toi. Quant aux paroles… je leur prête une grande importance. C’est essentiel pour moi. J’écris tout le temps, ma femme a dû se dire : " Cool je vais épouser un musicien, la classe ! " mais maintenant elle doit s’en mordre les doigts (rires). Je passe mon temps à écrire…