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Interview avec Caroline alias Boy and the Echo Choir, par Martha Voyl

ADA : J’ai cru remarquer des décisions assez radicales dans ce nouvel album, sur les sonorités, les arrangements, les équilibres entre les instruments. C’est conscient, assumé ? (reformulation/suite de la question : quand tu enregistres puis quand tu mixes, as-tu des idées très précises, genre "je veux ça là, ça qui sonne comme ça", etc. ?)

Boy and the Echo Choir : Oui, la direction du disque, l’envie d’être plus précise, plus subtile dans les arrangements, tout cela s’est tout de suite imposé. Le thème général aussi qui peut se résumer par "la confusion des sentiments". Et avec cette idée de confusion, de fouillis, s’apparentait la minutie, la brillance, une sorte de dentelle d’émotions et donc de sons. Les arrangements ont le plus souvent été pensés à trois avec Rachel Langlais et Thomas Van Cottom. On s’est accordés sur l’ambiance voulue, on a essayé beaucoup de choses, et je me suis réservé le "final cut" de chaque essai.

Pour le mix, c’était pareil. J’ai pré-mixé tous les morceaux au fur et à mesure de l’enregistrement, car le son, les effets, la mise en espace de chaque instrument ou voix avait vraiment son importance à mes yeux. Florian Chauvet, qui a réalisé le mixage final et le mastering, a accepté de suivre mes idées, tout en ajoutant les siennes... avec mon accord, bien entendu. J’assume mon côté ’control freak" totalement.

ADA : Est-ce qu’il arrive que ça entraîne des conflits ? A titre d’exemple, comment est-ce que tu collabores avec ton alter ego vocal ?

Boy and the Echo Choir : Mon alter ego vocal, à savoir Rachel Langlais, fait certes preuve d’une patience et d’un dévouement complets. Elle est au service des chansons. Je l’oriente vers mes envies. C’est une chance incroyable que je mesure à chaque instant. Au début, elle ne souhaitait pas forcément chanter. Aujourd’hui, sa voix en concert est indispensable. Je suis heureuse de jouer et chanter avec elle.

ADA : Tu me raconterais votre rencontre ? Ainsi qu’avec Thomas Van Cottom ?

Boy and the Echo Choir : Rachel a joué pendant près de 10 ans dans un groupe à Nantes nommé Klactonclown. On s’est croisé à plusieurs reprises à cette époque (années fac... fin des années 1990) car je bookais des dates pour un groupe de noise (Car Crash) et ces deux projets ont joués ensemble à l’époque. Ce n’est que des années plus tard, vers 2007, 2008 que je lui ai proposé de jouer avec moi.

Thomas, je l’ai rencontré alors qu’il jouait avec son projet Soy Un Caballo lors d’une scène partagée avec Tazio & Boy à la Maison des Musiques à Bruxelles (avril 2007). On s’est échangé des mails par la suite, et alors que je travaillais sur mon troisième album ’And Night Arrives In One Gigantic Step’, je l’ai contacté en lui demandant si il était intéressé pour arranger certaines de mes chansons. Il a immédiatement accepté et nous avons gardé ensuite une correspondance forte et établi une grande amitié.

ADA : Tu as l’air d’avoir un sens assez aiguisé du réseau. Par exemple à Saint-Etienne, beaucoup de gens du ’milieu’ te connaissent suite à ton expérience professionnelle au Fil. Je suppose que c’est un processus assez instinctif ? Tu te verrais travailler avec quelqu’un que tu ne connaissais pas à la base ? (c’est déjà arrivé, en dehors du contexte des concerts ?)

Boy and the Echo Choir : Je ne cherche pas à avoir "un sens aiguisé du réseau" mais je travaille sur des concerts, festivals et avec des compagnies et des artistes depuis une quinzaine d’années en tant que technicienne du spectacle. Ce qui, en effet, constitue un réseau, mais très technique. C’est peut-être plus facile ensuite de faire connaître son projet musical dans ce contexte... Je crois surtout démystifier totalement la scène et ce milieu car je le connais bien.

Après, oui mes chansons sont trop intimes pour que je les confie facilement, mais j’ai quand-même accepté la proposition de mixage du disque ’And Night Arrives In One Gigantic Step’ à Sebastian Muller-Thur (aka Aetherlone) que je n’avais jamais rencontré et qui s’était proposé par mail via myspace à l’époque... et je lui ai envoyé des fichiers à mixer. Je pense donc ne pas être trop frileuse. Je suis mon instinct, beaucoup... trop parfois peut-être ? Bref, je n’en fais qu’à ma tête.

ADA : On parle assez peu du contenu de l’album, cela dit (même pour ça il y a la chronique !) : est-ce que tu aimerais conclure en me parlant un peu du disque ? Dans quelles conditions a-t-il été enregistré, notamment dans quelle disposition d’esprit, en ce qui te concerne ? Et puis, éventuellement, un petit mot sur le fait d’avoir la Route du Rock comme tourneur, ce que ça implique ?

Boy and the Echo Choir : Ce disque, c’est mon bijou. Je l’ai pensé, dessiné, j’ai eu l’aide précieuse et déterminante des musiciens qui ont participé, sans eux je n’aurais peut-être pas eu la force d’aller jusqu’au bout, il ressemble à ce que j’espérais. Il a été long à voir le jour parce que je suis assez impatiente mais je suis très heureuse du résultat. Je ne vais pas dire "mais si j’avais eu plus de moyens, ou si..." Il est là. On l’a enregistré dans différentes maisons à Guérande, Nantes, Bruxelles, Rofessart, Rennes avec nos moyens et notre approche autodidacte de la prise de son. On y a mis tout notre coeur. Rachel et Thomas particulièrement. Mais Marin et Nicolas des Missing Season aussi, la team des Angil & The Hiddentracks... Être entourée est très important.

Le contenu est, à la manière de Tazio & Boy, des polaroïds d’émotions en retenue et de sentiments glacés ou brûlants. Après, le reste, c’est toujours très personnel. Mais plus on parle sincèrement de soi, plus les autres s’y retrouvent...

Côté booking, la Route du Rock nous aide en nous prenant sous leur aile. Mais avoir un tourneur aujourd’hui ne fait pas tout. C’est une petite pierre à l’édifice... mais l’édifice est très grand et exposé à tous les vents ! Enfin, ils contribuent à maintenir la team Boy & The Echo Choir soudée... Plus on est de fous, plus on rit.

Crédits Photos © Amélie P. Billie