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Je sais comment je vais finir cette chronique mais comment la commencer ? C’est un début après tout. Faisons d’abord les présentations. Ce disque sort chez Specific Recordings, un label (vinyle et très bons choix) à la tête duquel on retrouve un des Twins : Florian Schall. Très important pour moi parce que ma chronique inaugurale fût A Second Of June. Vous avez déjà croisé sur ADA les spectres des deux Pricks. Que ce soit Doc Geo avec son très réussi "The endless thanks list" revisitant le blues, ou encore Flo aka S8N (rebaptisé The Holy Mundane) dans un salit non moins excellent avec Alone With King Kong

Des amis oui. Pourtant à l’écoute de ce disque seul l’amateur de musique en moi s’anime. Et pour cause ! Cette schizophrénie m’est permise vu qu’on la retrouve dans les sillons et dans le duo même. L’un est grand amateur de disque, et disquaire à La Face Cachée, et va plus vite que discog pour différencier cinq éditions d’un même album...L’autre s’en fout un peu et peut se résumer à un pervers sonore frénétique préférant passer son temps à se demander ce qu’il se passe quand il met tel câble dans le cul de telle machine quand elle n’en a qu’un. La fusion donne donc une musique autant référencée que libre car jouissant d’une explosion d’idées sonores. C’est bien beau mais vous verrez que ça n’explique rien. Car s’il y a un mystère au-dessus de tous, celui qu’on ne peut développer, qu’on peut citer sans le comprendre, c’est bien l’inspiration.

Avant de venir avec leurs atouts, Twin Pricks étaient sacrément inspirés voire transcendés. C’est peut-être la dernière fois qu’on entendra parler d’eux ? Dans l’est et plus loin, ça fait pourtant un bout de temps qu’on espérait les réentendre. Et voici ce disque inespéré et ultra-riche.

Alors "Let go" !!! Au commencement était le son. Et si le style était ce qui primait ? Je le pense, peut être parce que je crois que tout a été fait et que seule l’intention différencie encore deux groupes. Le reste on s’en fout.

Donc voilà, le son de ce disque est parfait, fin et personnel (et magnifiquement mis en valeur par Fabien Pilard au studio l’Usine), et si on peut s’amuser à chercher des références musicales, un amateur d’instruments et de sons en fera autant. A l’instar de The Last Shadow Puppets qui a eu le bon goût d’inscrire ses tubes dans un écrin d’or, Twin Pricks voyage par ses mélodies et le son, discours de fond et de forme.

Tout ça prend avant tout sens dans une émotivité certaine car ce n’est pas le motif mais le moyen, le moyen d’ouvrir dix tubes finement ciselés à l’impact immédiat mais pas que car chaque morceau aura deux niveaux de lecture sans qu’on soit obligé de se soumettre à l’exercice. Fin sans être snob, équilibré et rusé sans tomber dans la sophistication, on pourra lui trouver un goût prononcé pour la nostalgie. Les tanins se développent dans l’avant millénaire, avec une identité de l’impertinence allant des 60’s aux 90’s qu’on chérit tant. Histoire de trentenaires, les nouveaux vieux qui parlent comme des septa....A propos de la nostalgie, peut être que la pochette l’incarne au mieux, statue oubliée mais pas malheureuse pour autant, vivant avec ses souvenirs. Jennie Zakrzewski connaît bien les personnages qu’elle a cerné dans son artwork symbolique. Peut être la dernière fois qu’on vous entend...une façon d’inscrire le souvenir dans l’avenir, d’imprimer un doux regret avant le démarrage mais sans se morfondre.

Ça aussi ça m’a marqué, parce que ce disque a une patate impressionnante. Une dynamique, rien que la fin de "Let go" en témoigne, sorte d’envie d’en découdre (on n’est pas trop vieux pour ces conneries !!!). "Bullseye" n’en fera pas moins et nous renvoie aux meilleurs titres de Monochrome. Vous en croiserez de l’emo et des relents punk pop de la bonne époque, mais aussi tout ce qui brasse sous la bannière indé 90’s comme dans "Rollercoast the holocaust" renvoyant aux coups de poings d’At The Drive In.

"Dying to live" est le morceau qui m’a foutu The Last Shadow Puppets en tête, à cause de ce son de guitare bien typé à l’écho qui nous parvient au delà des décennies. La fin est géniale avec cette saturation qui engraisse le tout. "Landmine" transpire cette honnêteté si chère au groupe. Tout se passe dans les tripes, et les références deviennent des accointances, avec d’autres qui ont cette même vision pure de ce que jouer veut dire.

C’est pour ça que vous penserait parfois de près ou de loin à une constellation de groupes ayant fixé l’adolescence dans les sillons (période où on envoie les compromis aux chiottes) tels Sebadoh, Built To Spill (leurs premiers), The Get Up Kids (la voix de Geo m’y fait souvent penser), les premiers Sense Field, The Appleseed Cast et en particulier leur fabuleux "Mare Vitalis". Tout ça mélangé, mélodiquement mais surtout pour ce que ça représente. "How to fall in love" et "The race" combinent à merveille ce côté patate tubesque irrésistible. Il faut aussi souligner qu’avec Pierre-Louis Guerrard et Olivier Culli pour la rythmique (qu’on retrouve dans No Drum No Moog), la force ne peut être qu’au rendez-vous. Ce dernier m’a particulièrement scotché, encore une fois la voix de Flo emporte l’adhésion, mais le titre est également très bien construit tout en gardant l’impact par son format. Et surtout ne rien se refuser, comme le violon fou sur "Smile" par Maxime François qui s’intègre étonnamment avec son penchant redneck. Bizarre sur le papier ? Evident à l’oreille !

"Vice" vous filera une sorte de blues insidieux avec ses mêlées de voix à chialer. Je ne sais pas pourquoi mais dès que ces mecs là chantent j’ai des souvenirs d’adolescence qui remontent. Oui, on s’est beaucoup croisé à cette période, mais surtout leur musique prend racine dans tout ce qui s’y attache. Ici on sent la bienveillance de The Holy Childhood.

Refusant de se limiter, le duo nous ouvre encore la porte des possibles avec le superbe "This might be the last time you’ll ever hear from me" que j’espère mal nommé. Limite trip-hop...enfin on en arrive finalement au point où plus rien n’a d’importance. C’est juste sublime, tout le monde y est, ça sonne comme un générique de fin mais j’espère un nouvel épisode rapidement. Cet album tient à mon avis du manifeste pur. Le genre de disque qui (si notre époque gavée jusqu’au yeux le permet) pourra devenir une référence au même titre que celles dans lesquelles il a mariné.




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