C’est en écumant les salles de concerts que nous avons eu la chance de croiser le chemin de Laetitia Shériff. Cette artiste intrigante, que l’on suit avec intérêt depuis de nombreuses années déjà à travers ses albums ’Codification’ (2004), ’Games over’ (2008) et le dernier en date ’Pandemonium, Solace and Stars’ (2014) sait s’entourer de musiciens talentueux dont Olivier Mellano et Gaël Desbois pour les premiers albums puis Thomas Poli, Nicolas Courret (Eiffel) et Carla Pallone (Mansfield.TYA) pour le dernier. Ses nombreux projets annexes (Trunks, ciné-concert Sa majesté des mouches…) et ses apparitions aux côtés de Piers Faccini ou de groupes rennais comme We Only Said ne font que nous renforcer dans l’idée qu’elle mène son chemin musical avec bon goût, en suivant ses envies.
En bons obsessionnels que nous sommes, nous avons assisté à plusieurs concerts sur la tournée en cours pour nous immerger complètement dans son univers musical. Nous allons tenter de vous retranscrire en quelques mots (!) cette épopée.
07/11/14 - BREST - La Carène + en solo au pub Tara Inn
L’aventure commence dans un port prestigieux que l’on associe dans notre inconscient à Christophe Miossec, à l’océan déchaîné, à la poésie des désespérés : Brest. Quel meilleur écrin que cette ville bretonne connue pour son rock brut et sans fioritures, pour découvrir les morceaux de ’Pandemonium, Solace and Stars’. Comme un écho au passé, Laetitia débute la soirée seule à la guitare baryton et au chant dans le pub Tara Inn, en mettant en musique les poèmes de William Butler Yeats (le titre That lover sur Codification en est une adaptation). Nous avons la chance d’être arrivés tôt et de nous trouver au plus près d’elle pour nous délecter de sa voix douce et triste sans être trop dérangés par le brouhaha de la nombreuse assistance. Le pub, tenu par des irlandais, est accueillant et on se laisse vite aller à goûter à cette belle convivialité et à cette bière délicieuse qui nous rend tellement plus sociables. Les textes de Yeats ont été photocopiés et distribués à qui voulaient se (re)plonger dans les mots du poète. La magie opère et on se laisse emporter par les accords de la guitare baryton dont les accents graves se mêlent si bien au chant mélodieux de Laetitia et aux mots doux amers de Yeats.
La soirée se poursuit quelques heures plus tard à la Carène, salle de musiques actuelles à la programmation qui nous fait saliver. Nous attendons l’ouverture des portes dans le hall où se situe le bar et voyons le groupe venir discuter gentiment avec le public, sans chi-chi, et prendre le pouls de la soirée pour cette 1ère date de leur tournée. Quelques instants plus tard, les portes de la salle s’ouvrent sur la 1ère partie : ’Février’, duo guitare / voix aux accents gothiques. Puis le trio de Laetitia Shériff monte sur scène, avec Thomas Poli aux guitares et claviers - que l’on avait découvert précédemment sur la tournée de Dominique A et qui nous avait bluffé par son jeu débridé et impeccable - et Nicolas Courret à la batterie. Le son est maîtrisé d’une main de maître par Dominique Brusson, la référence en la matière, dont on peut apprécier le travail sur les tournées de Dominique A. C’est un plaisir de découvrir les adaptations live parfois surprenantes des morceaux des albums que l’on connaît déjà presque par cœur, et l’on prend la mesure du travail de préparation du groupe, leur envie de nous partager leur vision de ces chansons, à travers des envolées aériennes et inspirées en passant par des sentiers plus rock. On les sent appliqués et pas complètement détendus sur scène, ce que l’on peut comprendre en début de tournée. Le set fonctionne, mais on n’atteint pas le frisson ressenti quelques moments plus tôt lors de la session solo. Tout cela doit encore mûrir, décanter, se bonifier, mais l’on pressent que les prochaines dates seront plus relâchées et jouissives.
Quelques jours plus tard, on apprend avec stupéfaction le vol d’une partie importante de leur matériel sur le parking d’un hôtel. Un élan de solidarité sur les réseaux et une veille sur les sites de vente permet d’en récupérer la majeure partie. Quoi qu’il arrive, la tournée se poursuit et l’on peut lire dans leur communiqué sur internet : "Nous n’arrêterons jamais" !
12/02/15 - BESANCON - FJT les Oiseaux / Generiq Festival
L’escale suivante nous mène en Franche Comté, dans un méandre du Doubs où se niche la belle ville fortifiée de Besançon. Le Foyer des Jeunes Travailleurs ’les Oiseaux’ a la bonne idée d’accueillir régulièrement des concerts et on se rappelle y avoir déjà vu Troy Von Balthazar, songwriter hawaiien que nous adorons. Quelques semaines plus tard s’y produira aussi Michel Cloup : jolie prog !
Pas de première partie pour cette date, le groupe attaque donc sur cette petite scène installée dans le hall du FJT spécifiquement pour le concert. Surprise, le batteur a changé, il s’agit d’Eric Pifeteau (batteur des Little Rabbits) qui remplace - brillamment - sur quelques dates Nicolas Courret. On sent dès le départ qu’ils sont plus à l’aise avec les titres anciens et nouveaux, on a l’impression d’un set plus efficace, rôdé : Thomas se lâche, joue avec la guitare, la triture avec un faux air de Thurston Moore, passe des boucles aux claviers, des claviers à la baryton, écrase ses pédales… La voix de Laetitia survole la musique endiablée, comme le chant d’un ange au milieu du chaos et son jeu de basse ou de baryton soutient efficacement la batterie métronomique. On se surprend à hocher la tête, puis à marquer le rythme du pied. Ça y est, le virus Shériffien nous prend et nous donne une envie furieuse de danser frénétiquement pour participer au sabbat, en osmose complète.
A la fin du concert le groupe vient au stand merch pour discuter avec le public, une habitude sur chaque date. Petite curiosité, ils proposent un livre d’or sur lequel chacun peut noter un petit mot, donner son impression du concert, ce qui est un bon moyen de briser la glace et d’entamer une conversation avec eux. On sent qu’ils prennent plaisir à ces moments de partage sur la route. Cela crée une vraie synergie autour d’eux qui rallie un public croissant.
14/02/15 - DIJON - Le Consortium / Generiq Festival
Pour notre 3ème date sur cette tournée, notre chemin nous mène au festival Génériq, qui de Franc-Comtois à l’origine étend petit à petit son territoire et propose cette année plusieurs soirées à Dijon, dont une au Consortium. La programmation de ce soir est très rock avec des valeurs sûres comme les sulfureux anglais de ’Fat White Family’ - dont le set très chaud finira la soirée en beauté. La salle est bondée et même les organisateurs n’en reviennent pas d’avoir su fédérer un si grand nombre d’adeptes, pour une soirée qui s’annonce mémorable. Après 2 groupes qui ont méchamment chauffé l’ambiance (les tout jeunes alsaciens ’Last Train’ et leur rock classique mais fougueux suivis des américains de ’Twin Peaks’ et leur morceaux très courts et survitaminés), Laetitia et ses 2 acolytes se mettent au diapason et nous font vibrer avec un set très énergique, à cent à l’heure. Pour la circonstance, ils puisent dans ce qu’ils ont de plus rugueux et jouent le titre ’Wash’ qu’on ne retrouvera plus dans les dates suivantes et sur lequel la voix de Laetitia se fait rauque, à la limite du hurlement pour notre plus grand bonheur. On lui trouve des airs de PJ Harvey avec ce mélange de rock et de sensualité à fleur de peau. Leur univers sombre aux éclaircies lumineuses happe le public qui se déchaîne sur des bijoux comme le titre ’The living dead’ qui fait monter la tension jusqu’à la libération sonique finale.
03/04/15 - MÂCON - La Cave à Musique
Nous poursuivons notre périple à Mâcon et sa salle de musique actuelle ’la Cave à Musique’ qui nous fait régulièrement découvrir des groupes à couper le souffle (on se rappelle encore avec émotion de ’She Keeps Bees’ et de la claque qu’on a pris). Le choix de la première partie ’Jeannette Berger’, une artiste soul (presque) locale, nous surprend de prime abord mais cette programmation permet d’amener un public nombreux et curieux qui ne connaît pas forcément Laetitia Shériff, en plus du cercle de spectateurs habituels que l’on croise régulièrement. Le groupe mêle nouvelles et anciennes compos, dont ’Solitary play’ ou ’Hullabaloo’ de l’album ’Games Over’ qui nous ravissent par leurs structures, leurs mélodies imparables et l’énergie brute qu’elles dégagent. On discute avec plusieurs personnes du public qui sont enchantées d’avoir profité de cette soirée pour les découvrir et qui ne tarissent pas d’éloges sur la voix de Laetitia. Les Shériff ont réussi à conquérir le cœur de nouveaux fans, signe que la magie opère.
Au stand merch, on découvre le 1er numéro du fanzine (à prix libre) Impersonal Freedom Paper, photocopié en N&B et qui fleure bon le DIY à l’ancienne, avec des anecdotes sur la tournée, les CDs en vente sur le label, le tout rédigé avec un trait d’humour noir à souhait. On perçoit dans leur univers tout un état d’esprit qui nous ramène à la belle époque de la musique underground et les élans du cœur qu’on ressentait alors pour ce milieu en pleine ébullition.
08/05/15 - NEVERS - Le Café Charbon
L’étape suivante nous conduit au cœur de la Nièvre au mythique Café charbon à Nevers, où nous avons la chance d’écouter deux excellentes 1ères parties : Tout d’abord le jeune duo punk mixte Dirty French Kiss qui joue dans le hall, puis Michiko 66 dans la grande salle avec un line up qui regroupe pour l’occasion plusieurs musiciens de la région pour un set folk poétique et impeccable. On croise les Shériff dans le public qui profitent des concerts et ont l’air d’apprécier la soirée autant que nous. Après cette mise en jambe, nous sommes prêts pour notre nouvelle dose de cette drogue à rapide accoutumance et effet fulgurant qu’est leur musique. Rodés sur le déroulement du set, nous attendons avec impatience nos morceaux préférés sur lesquels le groupe se lâche pour communier avec le public. On note que "Friendly birds" (récemment mis en image fait son apparition dans la setliste légèrement remaniée et imparable.
Notre regard est attiré comme à chaque fois par le batteur Nicolas Courret qui transmet une énergie incomparable, vit les morceaux à fond et participe à la transe. Les premières notes de "To be strong" résonnent, et on se sent chavirer, ce morceau d’une tristesse belle et renversante nous emporte à chaque fois, dans sa lente montée progressive et intense. Le morceau ’Far and Wide’ annonce tout au long de la tournée la fin du concert avec sa chorégraphie bien huilée où Thomas et Nicolas se font face en jouant sur de petits synthés pendant que Laetitia chante micro à la main sur le devant de la scène ou parfois au milieu du public, répétant à l’envi des mots pleins de douceurs : ’Let’s Love’. Il n’y a jamais de rappels, ce que l’on comprend très bien : comment continuer après une telle déclaration d’amour ? Ce concert est pour nous – et semble-t-’il pour le groupe aussi – un des plus marquants de cette tournée, il a ce petit plus qui le fait sortir du lot.
10/06/15 - DIJON - Show case acoustique - FNAC
Une nouvelle date s’ajoute à la dernière minute sur la tournée, on arrive in
extremis à s’organiser pour assister en fin d’après-midi au show case à la FNAC de Dijon, pour lequel le trio propose une formule acoustique, légèrement amplifiée. C’est l’occasion de découvrir l’essence des morceaux, sans le liant électrique, mais avec une interprétation plus douce qui fait la part belle à la voix de Laetitia. Les compos se révèlent riches en ambiances douces amères et sont servies par les arrangements d’harmonium ou de guitare de Thomas et la rythmique légère de Nicolas. Laetitia joue plusieurs titres seule à la guitare et à la voix (on aurait pu se passer de l’amplification pour ne garder que le grain chaud de l’acoustique) et déroule ses morceaux comme des histoires que l’on nous murmurerait à l’oreille. Le set passe trop vite et l’on garde en tête ce moment privilégié.
12/07/15 - OUROUX EN MORVAN - Festival Partie(s) de Campagne
Les dates se suivent mais ne se ressemblent pas : on se retrouve cette fois-ci en plein cœur du Morvan, pour un festival de courts métrages dans un petit village, où les projections dans des hangars transformés en salles de ciné improvisées succèdent à un ciné-concert dans les bois et à des concerts gratuits sous un bal monté.
Coincée entre 2 gros festivals (Les Eurockéennes et Les Vieilles Charrues, excusez du peu), l’escale fait presque office de vacances pour les Shériff. Le trio monte sur scène en fin de soirée devant un public attentif près à se déchaîner après avoir passé plusieurs heures assis à regarder des films. Le concert débute comme chaque fois par "Where’s my I.D ?", titre tiré de l’excellent EP du même nom et donne tout de suite le ton : tendu, compact, la proximité de la scène du lieu nous immerge direct dans le son. On ne ressortira plus du concert mené sans temps mort, la frénésie nous prenant sur les boucles hypnotiques lancées par Thomas, on se surprend à danser comme des fous au milieu du public à l’unisson. La basse martèle, la batterie tournoie, la voix enchante et mène les débats sans contestation. On note - pour cette seule date semble-t’il – l’utilisation d’un petit magnéto cassette (on verra le lendemain qu’il est utilisé pour le ciné-concert) pour diffuser l’intro d’"Urbanism – After Goya" dite par Pete Simonelli (Enablers). Ce titre est également l’occasion pour Thomas de malmener sa baryton avec divers ustensiles (baguette, outils métalliques…) voire de surfer dessus (?!), cette fois il profite de la configuration pour aller dans le public, et fait durer le plaisir entre boucle et larsens jusqu’à une fin dans l’apaisement. "Far and wide" arrive trop tôt, le public en redemande, on aurait bien dansé encore un peu.
Au merch, on retrouve le 2ème numéro du fanzine papier à prix libre Impersonal Freedom Paper : toujours ce ton d’humour grinçant qui nous plaît, des images décalées, et quelques infos sur les sorties à venir.
13/07/15 - OUROUX EN MORVAN - Festival Partie(s) de Campagne - en solo pour un ciné concert ’Sa Majesté des mouches’
Le festival continue le lendemain et on en profite pour se faire une nouvelle session de courts métrages (la plupart excellents) avant de nous diriger vers les bois pour prendre place dans un magnifique écrin de verdure et assister au ciné-concert ’Sa majesté les Mouches’. Le film réalisé par Peter Brook en 1965 est tiré du roman ’Lord of the flies’ de William Golding et parle de la survie d’écoliers anglais dont l’avion s’est écrasé sur une île et dont la nature sauvage et violente se révèle petit à petit. Quelques dialogues sont conservés, mais le reste de la bande son est réalisé en direct par Laetitia seule devant l’écran, entourée de plusieurs instruments et dispositifs sonores.
L’œuvre n’est pas gaie, loin s’en faut, et le minimalisme de l’illustration sonore de Laetitia s’accorde en tout point à l’atmosphère du film. Triste, on a le cœur gros. La musique est un baume.
Notre engouement pour ce groupe n’a fait que se consolider date après date et on ne saurait trop vous recommander d’aller vous faire votre opinion sur un de leur prochain concert annoncé sur leur site http://www.laetitia-sheriff.com
26/09 LE TEMPS MACHINE w/ MellaNoisEscape, Filiamotsa - Joué-Lès-Tours, France
29/09 solo acoustique + rencontre médiathèque Anita Conti - Beaucouze, France
01/10 L’Autre Canal w/ Prohibition - Nancy, France
02/10 PALOMA w/ Mansfield.TYA - Nîmes, France
10/10 LE SILEX w/ Mansfield.TYA, Ropoporose - Auxerre, France
07/11 La CLEF w/ Puts Marie, Griffe - Saint-Germain-En-Laye, France
10/11 Les Belles Sorties de l’Aéronef - La Chapelle D’armentieres, France
12/11 Magasin 4 w/ Baby Fire, Tsuki Moon - Brussels, Belgium
13/11 Moulin de Brainans w/ Ropoporose - Brainans, France
18/11 Petit Bain - Paris, France
21/11 Novomax - Quimper, France
04/12 Ciné-concert Sa Majesté des Mouches au Festival Tympan dans l’Oeil - Eybens, France
11/12 LES DOCKS - Cahors, France
22/04/16 Ciné-concert Sa Majesté des Mouches à Salle du Cercle - Bischheim, France