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Si chaque album de Jean-Louis Murat renvoie à une manière poétique de journal intime, Baby Love, nouveau sommet d’une œuvre gargantuesque, est celui de la perte et du délabrement affectifs, du véritable lien défait. Car c’est un Murat goguenard qui se présente ici : distant avec ses nouvelles cicatrices intérieures (disait Philippe Garrel), il feint la drôlesse pour canaliser ce mal qui actuellement le ronge. Ce mal ? L’insupportable déréliction du sentiment amoureux.

Murat en bave, Murat philosophe sur les filles, il n’encaisse pas une énième rupture, et pour le coup propose aujourd’hui un disque contemporain, un bateau phare à rebours des actuels discours féministes et du clivage hommes / femmes qui nous pend tous au nez. Comprendre Jean-Louis : élégant romantique issu du XIX e, il fustige « la saloperie des hommes » (dénoncée aujourd’hui avec courage par de nombreuses victimes) mais tient à préciser qu’il ne faut pas englober tous les mecs dans un même panel à ordures. Quel avenir pour les garçons qui aiment sincèrement ? Que vont devenir les romantiques purs ? Probablement rien : entre filles et garçons, dorénavant, c’est cassé. Ne reste qu’à oublier l’Amour puis vivre en ermite.

Discours ténébreux, bien qu’implicite, que Murat, éternel audacieux, met en musique avec un groove ensorcelant. Baby Love entremêle, souvent dans un mouvement similaire, les sonorités dansantes ou contemplatives jusqu’à l’extase : soul, électro, pop, blues…. Ce nouveau Murat est jouissif à l’écoute, et joyeusement plombé dans son propos. Sa haute puissance vient de là.

Baby Love s’impose d’emblée comme du très grand Murat (l’un de ses meilleurs ?). Abondent les chansons condamnées à devenir des classiques : “Le Reason why” est probablement le chef-d’œuvre de l’album, mais il faudrait également citer…tous les autres titres (preuve de cette excellence globale).

Du Murat semblable à personne, comme toujours. Le Commandeur, c’est lui. Point barre.