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Ayant abandonné l’électro depuis l’album Dolorès, nous pensions Murat dorénavant réfractaire aux bidouillages en tous genres (sinon en concerts, où JL s’amusait à dénaturer puis reconstruire son beau panel d’ouvrages folk-rock-bluesy). Sauf que Murat change souvent d’avis, et la simple impulsion, chez lui, peut donner naissance à un disque ouvertement en opposition (à son répertoire, à la musique française actuelle, à diverses tendances contemporaines). Travaux sur la N89 se situe, c’est le moins que l’on puisse dire, dans le revers absolu, la cassure pied-de-nez, probablement dans cet humour punk que Jean-Louis, consciemment ou non, ne cesse d’appliquer au moins depuis Cheyenne Autumn.

Constitué de brisures et d’hachures électroniques un brin démodées, malaxant les sonorités façon hip-hop 90’s, juxtaposant les idées dans un souci permanent de se payer la tête de la musique française, Travaux sur la N89 intrigue au début puis fatigue bien vite. Trop vintage, pas si étonnant que cela, le dernier Murat se regarde expérimenter dans le vide. Dans un extrême qui ne prend guère en considération la fidélité du fan éternel. Car cet album ressemble parfois à une punition envers l’accro Murat : des bribes de chansons qui ne se donnent jamais la peine d’établir ne serait-ce qu’une ligne identificatoire, des paroles accentuant l’aspect un brin foutage de gueule du projet… Nous ne sommes pas dans le « qui m’aime me suive » mais dans le gros fuck off, le dadaïsme nihiliste, le goguenard désabusé.

Reconnaissons à Murat une envie d’en découdre, de surprendre, quitte à jouer contre son propre camp. Au moins, l’un de nos artistes favoris envoie valser, en une longue plage de quatorze titres, toute sa discographie des dix-huit dernières années. Sauf que le geste est trop consciencieux, exagérément hermétique pour créer l’adhésion, et surtout pas très novateur (ces sons, on les connait). JLM s’amuse en studio, l’auditeur, lui, à force d’écoutes, s’emmerde toujours aussi profondément.