On parle souvent du manque d’ambition de la chanson d’ici qui se cacherait derrière la richesse de la langue, laissant la musique de côté quitte à tout rentrer avec un chausse-pied. Les exemples sont légions et les ratages quand il s’agit d’essayer le grand saut (tout sera comme avant de Dominique A) sont presque des victoires sur la frilosité. En se soumettant à la crainte de la comparaison avec un passé riche, les musiciens français ont souvent fait profil bas gardant au fronton du studio la perfide remarque de Lennon sur la pop et le rock français. Stéphane Auzenet aka Oz en a cure de cela. Magicien (je sais, elle est facile.) mélodiste, Stéphane a pour ce second EP vu les choses en très grand, comme s’il avait perçu qu’en cette période de confinement nous allions avoir besoin d’une dose d’évasion et d’émerveillement, nous faire entrer dans un monde presque féerique, tout en gardant les pieds bien ancrés afin de ne pas oublier que derrière cette noblesse pop peut se cacher des messages et des positions comme des valeurs à défendre (« Astronomy Divine » en attrape coeur.)
The Reed Conservation Society a obtenu haut la main ses galons dés son premier EP. Là il rentre dans la cours des grands comme une libération après ce qui pouvait ressembler à une promenade. L’ancrage est plus prêt des côtes britanniques, mais les marrées peuvent ramener des fragrances de nos côtes via un « Joni & David » comme sorti du coffre de la voiture de « Melody Nelson » pour une virée bucolique dans le jardin d’un Windsor privatisé. Plein de charme et de mélancolie (Coffee & Contemplation) les morceaux de The Reed Conservation Society savent nous toucher, lisant dans le livre de nos vies avec une fausse nonchalance, une vraie méticulosité du mot et de la note (l’addictif « Love Record Story » véritable chef d’œuvre à écouter avec un plaisir toujours décuplé).
Ce EP2 est un disque d’une évidence mélodique et d’une clairvoyance dans les arrangements (la simplicité apparente de « Weather Report » est désarmante de beauté, nous transposant sans y prendre garde, dans le terrain de jeu de Stereolab), faisant monter encore d’un cran Oz et son groupe. The Reed Conservation Society gravis les échelons de l’aristocratie pop, avec une classe monstre. Divin.