C’est une évidence mais, n’en déplaise aux tristes tenants de l’appropriation culturelle, la musique reste un merveilleux paysagiste, jamais avare en chemins de traverse et passerelles entre les peuples. Avec « Somin Tegor », son premier album, le collectif An’Pagay fusionne les mélodies créoles du maloya – blues ternaire hérité des esclaves qui travaillaient dans les champs de canne à sucre à la Réunion – et les polyrythmies enlevées du currulao afro-colombien, tout en y ajoutant ici et là des ingrédients expérimentaux, à la lisière du jazz et du post-rock.
Les sept titres qui composent « Somin Tegor » (du nom d’une rue de Saint-Benoît, à la Réunion, où à grandi le chanteur Luc Moindranzé Karioudja) font honneur au catalogue du label Compagnie 4000, qui héberge également Erotic Market et Polymorphie : dans un maelstrom de sonorités – il faut dire qu’avec deux batteurs, un bassiste, un saxophone et trois chanteurs, An’Pagay dispose d’un arsenal à même de dérider une statue en marbre – les chansons nous emportent et nous font faire plusieurs fois le tour de la terre, à toute berzingue, sur notre coquille de noix, jamais ne chavirant, enivrés et joyeux de former un grand tout avec cette musique partageuse en diable.