One-man band à lui tout seul, Olivier Bogé – issu du jazz, dont les réminiscences libertaires affleurent tout au long de ce cinquième album – joue de tout, et très bien, même s’il a laissé les fûts à son ami de longue date Karl Jannuska, s’engageant dans une voie folk pop baroque étonnante eu égard à son parcours pointu. On se souvient avec émotion des accents suaves d’un Thomas Dybdahl, dont j’avais acheté le One Day You’ll Dance For Me, New York City le jour de la naissance de mon fils aîné, parce qu’il me fallait un antidote à la joie ET à la mélancolie.

Un peu plus tard, muni d’une gueule de bois méritée, en plein cœur de l’été sans nuit, je m’étais avancé sur un ponton à Narvik, au fin fond de la Norvège, et il y avait une affiche usée annonçant un concert de Thomas Dybdahl.

Ici, l’espace tout entier s’emplit d’immédiateté harmonique et d’un chant au plus près du creux de nos oreilles, voix blanche et précise qui gouverne la mélancolie de compositions amples et ambitieuses, sans pour autant sombrer dans le piège du lyrisme.

Il y a du Jens Lekman et du Sufjan Stevens dans les huit titres de Shelter(s) : on gravira des sommets, certes, mais pas en hélicoptère pop.

Ce sera pas à pas, en humant l’air des sentiers et des aléas d’instrumentations belles et délitées, les batteries aérées et les harmonies vocales s’empiffrant de circonvolutions précises, à la musicalité toujours juste. On sent une retenue sensuelle chez Olivier Bogé, qui malgré son très riche cursus jamais n’en fait trop, et c’est tout à son honneur : une chanson comme What is Paradise fait montre d’une belle simplicité, entre carillons et arpèges folk, même si les ponctuations pianistiques nous rappellent l’héritage improvisant de son auteur. Et puis il y a Birds, qui arrache tout sur son passage, par sa beauté parfaite. Conclure un tel album, pas facile, alors on se raccroche à un piano délié, et donc c’est By Candlelight qui nous dit douceâtrement au-revoir, sachant que Shelter(s) a un sacré goût de revenez-y.