Après un premier album publié en 2019 (//), le désormais trio Mr R. reprend du service et nous offre, en guise d’illustration du film au titre particulièrement fun et néanmoins métaphysique (The Ghoulish Trigonometry of Fate), un Ere Long copieux, gorgé de sève sonique et de déambulations expérimentales, publié par le très pointu label Araki Records.

Basé à Béziers, le groupe s’inspire tout autant de Godspeed You ! Black Emperor que de Suuns, et délivre un rock noise instrumental ascendant kraut teinté de post-punk (oui, on peut headbanger et danser sur Bear). Douze putain de compositions abrasives et réflexives, planantes, sourdes dans leurs climats tendus jusqu’à l’os, les guitares électriques brûlent, claviers et rythmiques au diapason, c’est une descente en raft percé sur une rivière houleuse, même si toujours la mélodie l’emporte, par sa sombre beauté intemporelle.

Ici et là, des dialogues ponctuent les pérégrinations de Mr R. en terres arides, et puis sur Shine On le chant se pointe, belle surprise, une voix blasée et cassée à la Tropical Fuck Storm ou Mark Lanegan, au mitan de 90s grunge qui n’ont depuis jamais trouvé d’égale : sommet ! La suite est évidemment d’excellent aloi : Grasp et son intro à base de basse groovy à la early Swell, qui vire à la noise pure, mur du son à l’appui, A B T et ses percussions atmosphériques, progressives jusqu’au tournis, ou Enjoy, dont les grincements introductifs rappellent l’Alien de Ridley Scott – la claustrophobie à l’état pur, dont seul le chant hanté nous sortira, pour nous emporter au plus profond du Nostromo. Le futile (c’est du rock) et l’introspectif (le rock dépasse le rock), tel est le viatique de Ere Long. Longue vie au chaos, au chaos électrique, au chaos chaotique !