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Allez, vite fait : est-il possible de produire un album plus déchirant que The Courage of Others, publié en 2010 par Midlake, sachant que son successeur – Antiphon – enfonçait un second clou dépressif dans le cercueil bâti à coups de folk translucide par le combo texan ? On se souvient avec émotion du coup de cœur procuré par la chanson Roscoe, tirée de The Trials of Van Occupanther, leur deuxième album au titre alambiqué, qu’un soir à la Cigale le groupe avait repris à deux fois, suite à une longue et chouette introduction ratée : le quintet n’avait pas encore pris ce virage mélancolique qui depuis le caractérise et, autant le préciser, le registre pop lui seyait tout autant que la lysergie qui s’ensuivit, ce qui témoigne d’un talent tout à fait remarquable. Et donc en 2012, après le départ du chanteur Tim Smith, on ne donnait pas cher de la peau de Midlake, ce que le merveilleux Antiphon démentit avec brio : pour une fois, dans un groupe, le talent était réparti équitablement (clin d’œil aux Beatles). Néanmoins, le flûtiste magique Tim Smith, en collaboration avec Kathi Zung, en avait encore sous la semelle et revient dans le game une décennie plus tard, sous l’alias Harp, avec un album que personne n’attendait et qui bordélise les traditionnels tops de fin d’année. Derrière une pochette 70s à souhait, entre barbe, barde et brume, Harp puise – si je me fie aux références citées en interview ou dans les chroniques lues ici et là – son inspiration aussi bien chez George Gordon Byron que William Blake ou Ralf Waldo Emerson, soit une certaine tradition littéraire anglo-américaine 19s, que je perçois peu, comme s’il s’agissait de name-dropping un peu facile (j’ai lu les trois, et ils ne sont pas trimeaux : le premier est bravache et obséquieux, le second trop généreux en poncifs nocturnes et le troisième, prudent, se gave de figures matérialistes). Mais bon, this not the way : le chant fait mouche, touche, perce, comme sur le réverbéré Shining Spires, toute voile dehors sur le chemin de la beauté, à quoi bon pinailler, à quoi bon penser, quand il s’agit de se laisser porter par des harmonies vocales aussi pures, à quoi bon. Je ne sais pas pourquoi ce soir, tout en laissant l’alcool et mes doigts dériver sur le clavier, je pense à Syd Barret, qui promettait tant et produisit si peu, mais laisse une trace indélébile dans l’histoire du rock’n roll. Peut-être le fog, peut-être la douze cordes, peut-être les perspectives merdiques, peut-être les ailleurs et les lendemains et les mélodies fragiles qui touchent le fond de l’âtre et de l’être, au petit matin. Albion est le genre d’album, défauts compris – mélodies parfois anecdotiques, arrangements attendus, trop long et j’en passe -, qui fait dresser les poils tant il est imprégné de cette musicalité sensible qui nous rapproche de l’essence même de ce qui nous fait – putain de merde – aimer la musique : la sensation d’entendre un vrai humain chanter pour ses frères humains, et ça, c’est une offrande rare que l’on ne boudera pas, que l’on ne boudera jamais.




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