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La Calabre, terre oubliée des pluies autres que brèves et colériques, terre de mémoire pour Danilo Ligato, qui avec tendresse se souvient du potager de son enfance et des merveilles que savait faire pousser à la fin des 80s sa grand-mère aux pouces verts, épaulée dans son effort par la Vurga, un bassin en béton servant à collecter l’eau tombée du ciel et donnant son nom au nouvel opus du natif de Bellinzone (Suisse), dont nous suivons depuis quelques années – Rizieri (2021) et Fernweh (2022) – les pérégrinations musicales. Retour aux sources, donc, au travers d’un imaginaire mélancolique mené par un piano noyé de réverbération et de nappes ambient, oscillant entre obstination mélodique et déconstruction passagère, rappelant le travail de John Cale pour les films de Philippe Garrel tout autant qu’un Howard Shore sous tranquillisants. Les voyages en terres mémorielles jamais ne s’abstraient d’une certaine forme d’anxiété : la majestuosité d’accords plaqués nous ramène sur terre, ou dans l’espace, comme sur ce Favali que l’on pourrait ajouter à la bande son du Sunshine de John Murphy mais, de manière générale, l’épure est de mise, comme si Danilo Ligato nous ramenait au bord de la piscine de béton de ses jeunes années. Autour de lui, un jardin luxuriant au milieu du désert, sous ses pas une armature froide et sans affection pour les humains qui l’arpentent sous le soleil crevassé, les sonorités synthétiques se mêlent au chant des grillons, de bulles en tulle la lumière rebondit, à l’instar des arrangements émouvants (la ritournelle torturée de Campodorato) qui préludent à la composition de Vurga, en suspension souvent, comme apaisée par le ciel, si haut le ciel. Les doigts se promènent sur le clavier, à la vitesse des souvenirs égrenés, Stidde dont ses cloches sonnent : l’heure du goûter, peut-être, mais également l’heure de (se) rendre compte, à l’âge adulte, ce à quoi nul n’échappe. Une pincée de Satie ou de Granados, pourquoi pas ? L’Affascino, virtuosité affable. Ou le conclusif Nenta et ses notes cristallines : un régal. Danilo Ligato vous fait sentir qu’il est temps de se poser et de réfléchir sur le à quoi bon et le pourquoi, le pourquoi de tant d’amour passé, de tant de Calabre fantasmatique que nous partagerons sans la connaître, car telle est la bonne musique, une passerelle.




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