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Roboratif. A l’instar du prolifique Jack White, le duo d’Akron est si bien ancré dans le paysage rock du 21ème siècle qu’on en oublie parfois de jeter une oreille attentive à leurs productions, dont la nouvelle et douzième – Ohio Players – rend hommage tout autant à l’État dont The Black Keys sont originaires qu’au combo funk seventies Ohio Players, basé à Dayton et amateur de pochettes de disques que l’on pourrait qualifier d’érotiques à défaut de navrantes – point de néo-puritanisme en ces pages : autre époque, autres mœurs, et si le visuel de Ohio Players est plus subtil, il n’en reste pas moins taquin. Invitant Beck, Noël Gallagher et Dan The Automator, le chanteur guitariste Dan Auerbach et le batteur Patrick Carney se livrent à un véritable exercice de style(s), brassant en quatorze chansons six décennies de rock’n roll, de quoi nourrir un bien syncrétique juke-box. Les deux premiers morceaux – This Is Nowhere, hymne soul gospel à la coolitude solaire, et Don’t Let Me Go, garage dub saupoudré de funk discoïde, dont les irrésistibles refrains rappellent (peut-être involontairement) le Let the Sunshine In de la comédie musicale hippie Hair – s’avèrent réjouissants, tant The Black Keys paraissent lumineux et décontractés, n’hésitant pas à répéter et répéter les refrains, au point de les transformer en scies. Là on se dit : ouah, ces mecs veulent écrire le tube crossover ultime. Ça file tout droit, on sourit, on tape du pied, rudement efficace. Sauf qu’à force le procédé devient vite lourd : le garage soul funk de Beautiful People (Stay High) pâtit d’un excès d’entrain, quand la ballade On The Game, invoquant Elton John et Arcade Fire, voit son intensité mélodique se retourner contre elle, au point de sombrer dans la monotonie. Idem pour le boogie catchy Only Love Matters, aux couplets plus sombres mais sabordé par son refrain trop évident, et le blues mutant Candy And Her Friends, massacré par le featuring de Lil Noid, certes savoureux dans ses sonorités old school mais parfaitement dispensable. Pourtant, la production est comme toujours excellente : puissante, compacte, aérée – sur ce point, The Black Keys restent une référence en la matière, en particulier si l’on aime les grosses lignes de basse compressées / saturées et les rythmiques concassées. C’est une (très chouette) reprise qui permettra à l’auditeur de reprendre son souffle : le slow I Forgot To Be Your Lover, classique Stax composé en 1968 par William Bell et Booker T. Jones. A partir de là, Ohio Players semble se libérer de sa quête du refrain qui tue, et le reste de l’album – plus tranchant – est paradoxalement plus reposant, à l’instar du garage vaudou sur roulements de percussions Please Me (Till I’m Satisfied), croisement entre The Make-Up et The Rolling Stones, bonne petite chanson, ou du soul funk psychédélique You’ll Pay, qui nous fait regretter plus que jamais la disparition d’Amy Winehouse. Et puis il y a l’ami Beck, qui s’en donne à cœur joie sur le brinquebalant Paper Crown, garage soul / hip hop lo-fi, fabuleuse ligne de basse (à la hauteur de celle de Is Chicago, Is Not Chicago, des oubliés Soul Coughing) et sonorités vintage, on se croirait revenu à l’époque de Mellow Gold. Après la convaincante ballade western garage Read Em And Weep, la suite est anecdotique, voire poussive (le conclusif Everytime You Leave) : pas de quoi fouetter un chat, l’inégal et parfois trop riche Ohio Players est bon album, qui ne fera pas tache dans la somptueuse discographie de The Black Keys.




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