Deux ans après un premier album éponyme, remarquable et en ces pages remarqué (« On met les potards à fond, on tabasse, on dévore le bitume, mais ça reste fin, éclectique et mélodieux. »), le duo lyonnais Boucan remet le couvert, avec un nouvel opus aussi piquant que les cactus illustrant la pochette. En sept instrumentaux ravageurs à la force de frappe irrésistible, trente minutes durant Benjamin Munier (basse) et Raphaël Aboulker (batterie) s’appliquent à concasser les registres qu’ils explorent / explosent, de la noise hardcore de l’introductif Transhumance (on notera la présence malicieuse de cloches en début et en fin de morceau – à quels bovidés sont-elles destinées ?) au groove lourd, lent et oppressant de Sabotage(s), qui en son milieu vire speed metal, ou Cluster et son ouverture garage psychobilly, tout est bon dans le boucan. Le furibard Jappeur puis Idées Noires (qui parfois évoque ce que l’on appelait, dans les 90 s, la fusion) enfoncent le clou : basse et batterie jouent à l’unisson, les pieds dans la boue, la distorsion et les stridences, mais savent nuancer, à l’instar d’un Valse, Entorse au son ciselé, qui lorgne vers le post-rock avant de repiquer vers la noise, ou du conclusif Atonie, riche d’un double contraste, d’une part entre la rythmique en retenue et les cordes frottées jusqu’au sang, d’autre part dans l’alternance des temps forts et des temps calmes. Il y a tant et tant à entendre dans ce jouissif et fracassant Deux que les Lyonnais de Boucan me remémorent cette citation tirée des Métamorphoses d’Ovide : « Nous deux formons une multitude ».