La décadence du monde occidental est une scie idéologique usée à tel point qu’elle ne tranche plus que du bois mou et mort. L’on se souviendra avec espièglerie de Dostoïevski fustigeant, dans l’inégal Les Démons, les apôtres d’un renouveau qu’eux-mêmes ne savent conceptualiser (une fois le pouvoir obtenu par la violence, on fait quoi ?) (indice : Staline et ses petits potes) ou de Joseph Conrad retraçant les tristes atermoiements d’un révolutionnaire naïf débordé par son sentimentalisme (Under Western Eyes, pas terrible). Vous me direz, la littérature, c’est un truc de bourgeois écrit pour les apprentis bourgeois et destiné à maintenir le statu-quo de la société petit-bourgeoise, ce en quoi je ne vous donnerai évidemment pas tort. Le rock me paraît bien plus apte à contester le réel : une chanson écrite en quelques minutes touchera bien plus de monde que les salmigondis de nantis enfoncés derrière leurs bureaux. Et pourquoi ? L’énergie. L’énergie est pure, vitale et contagieuse, à l’instar des seize titres du nouvel album des galiciens Sacrosanta Decadancia Occidental, enregistré qui plus est en total dot it yourself : tu veux la révolution, maîtrise les outils de production. Depuis 2022, basés entre Salamanque et Burgos, María Rodríguez González (chant), Eduardo Rivas Luveiro (guitare, synthétiseur), Daniel Bitrián de la Fuente (basse) et Jorge Azofra (batterie) écument l’Europe pour délivrer, entre squats antifa et salles de concerts engagées, un crust punk furieux que nulle limitation de son ne saura engourdir. Convoquant heavy metal (rythmique tellurique, gros riffs de guitare électrique), rock indus (sur Esquecidxs on pense au culte Jesus Built My Hotrod de Ministry), hard rock (le solo de As Fillas Da Néboa), le combo sait varier les climats, à l’instar de l’intro atmosphérique de E Caen Os Vellos Emblemas ou du planant Manifesto Do Noso Rexeitamento, à la lisière du post-rock : poignant. C’est la grande force de Sacrosanta Decadancia Occidental, de n’être jamais là où l’attend. Alors certes, Matar Calando tabasse, A Branca Cor Da Morte trashe, Desherdadxs défouraille des solos de malade, mais il y a Bocanoite et surtout le conclusif Tebras, merveille de dream song lo-fi répétitive, pour nous rappeler que la douceur est la meilleure amie du bruit, au sens où c’est grâce au silence que le bruitisme se construit. Belle leçon.