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Les deux prochaines sorties de Vicious Circle sont les albums de Julien Pras (21 janvier) et Luis Francesco Arena (4 février). Jouons aux similitudes : les deux Français anglophones écrivent depuis plus de dix ans de vraies chansons, clairement inscrites dans la culture pop sans être bêtement suiveuses. Leurs nouveaux albums respectifs sont arrangés avec goût : violoncelle décoiffant chez Luis Francesco Arena, jolies mélodies souvent doublées à l’octave chez Julien Pras, claviers épatants chez les deux. Leurs choix harmoniques sont ambitieux, et chacun peut être fier de ses choix de production. En 2013, sur scène, les uns seront le backing band des autres. Passons au jeu des différences. En l’occurrence, de ce qui fait la différence. Car oui, à mes oreilles l’un de ces albums (Shady Hollow Circus de Julien Pras) est nettement meilleur que l’autre (Stars And Stones de Luis Francesco Arena).

Tout démarre pourtant très fort chez Luis Francesco Arena. Le quatrième album de Pierre Louis et ses deux musiciens (sans oublier une ribambelle d’overdubs certes bien sentis, mais qui font redouter leur manière d’aborder ce mur du son en concert sans avoir recours aux artifices) commence avec une chanson magnifique, Ninety days. Si tout Stars and Stones pouvait être aussi subtil, je la fermerais volontiers.

Malheureusement, je m’enfonce dans chaque écoute du disque en y redoutant entre deux moments de grâce le prochain plan lourdaud, à commencer par les passages où le chant se fait chuchotement hystérique. L’abondance de valses, de rythmes lents, d’ampleur grassouillette induisent chez Luis Francesco Arena une emphase qui finit par peser. Malgré toute la qualité des musiciens, qui interprètent les chansons avec une ferveur enthousiasmante, je trouve souvent la voix poussive, voire au bord du kitsch, au sens d’imitation du réel.

Ce qui manque parfois, à mon goût, à l’album de Luis Francesco Arena est exactement ce qui sauve celui de Julien Pras : le naturel. Le bout d’enfance qu’il a passé aux États-Unis fait-il la différence ? En tout cas son accent est admirable, tout comme les récits touchants et évocateurs de ce garçon à qui on ne la fait pas (il est aussi le leader de Calc), mais qui conserve une contagieuse faculté à l’émerveillement.

Aux écueils joseph-arthuresques (héroïsme, auto-érotisme) que j’ai entendus quelquefois chez Luis Francesco Arena, je préfère inconditionnellement la référence parfois ultra disciplinée de Julien Pras à Elliott Smith. Les salutaires touches de psychédélisme (beaux claviers, effets qui tuent) y sont bienvenues.

Les écoutes répétées effeuillent Shady Hollow Circus et en révèlent la moelle impressionnante. Julien Pras n’est pas là pour la pose, il a réellement quelque chose à dire. Le langage qu’il utilise est vieux comme le monde, comme la souffrance, comme la pop music. Mais ce n’est pas une tare, au contraire : quand un travail si abouti donne une telle impression de légèreté, de facilité, c’est le signe qu’on est devant un grand représentant de la discipline.