C’est un dimanche matin semblable à celui de la semaine dernière, si ce n’est qu’il m’est devenu urgent de laisser courir ma diatribe fielleuse ici, concernant ces toujours excellents 3 Minutes Sur Mer.

Pour ceux qui suivent ce groupe depuis leur mise au monde, ils savent que le terme « urgence » leur correspond tout autant. Comment ne pas être bouleversé par l’intensité des morceaux présents sur ce disque, morceaux que les « fans » connaissent déjà bien, faisant partie de leur répertoire depuis quelques années déjà, et quel répertoire !!

Cet effort n’est pas réellement une nouveauté, certaines des pistes de cet album figuraient déjà sur une précédente mouture, beaucoup plus courte, des (fameux) « Espoirs De Singes ».

Nous démarrons par les instants de colère gracile (antinomique me direz-vous ? Pas pour les 3 Minutes) que représentent « Nous N’Avons Pas Encore Le Temps » et « Benzédrine », convoquant les fantômes des premiers Noir Désir, forcément. « Déjà Loin » est d’une beauté rare, diamant brut schizophrénique que l’interprétation du chanteur, Guilhem Valayé et le jeu hargneux mais toujours diablement maîtrisé de Samuel Cajal rendent tout à fait extraordinaire. Vient ensuite « L’Eau Chaude », de facture plus classique, puis « Moi Et Les Gens », bijou rageur, d’une éclatante profondeur.

« Porcelaine » et « Le Jardin » font partie depuis plusieurs années maintenant de mes chansons préférées en langue française. Je pense que rien n’a été écrit de plus beau que ces deux joyaux. On se sent pénétré, on a envie d’assumer jusqu’au moindre petit défaut, de cracher à la gueule du monde qu’on a envie de vivre pleinement, librement, en se moquant du reste, les 3 Minutes sont avec nous. Je passerais sur le vibrant « Les Enfants Des Autres » puis sur les trop courts moments de grâce que nous offre l’entame du deuxième objet, car nous parlons effectivement bien ici d’un double-album live, pour arriver directement avec LE morceau qui m’a fait connaître ce groupe, « Merci Pour Les Mots », rien à dire, juste à savourer le texte que je ne suis pas encore certain d’avoir bien compris mais qui me parle tellement, qui fait écho à des envies, envies de crier à plein poumons qu’il ne sert à rien de vouloir en faire taire certains, que plus nous nous laissons vivre, que plus nous laissons vagabonder nos failles et plus nous sommes entiers, même borderline, même FOUS…

La « chose » indéfinissable qui clôture ce trésor se nomme « Canapé »… Plus besoin de se retenir, plus besoin de faire semblant, le cœur finira de s’emballer ici, dans un mélange subtil de tachycardie ventriculaire et de crises de larmes non retenues. À la manière d’un Pascal Bouaziz dans le somptueux 1983 (Barbara), nous aimerions serrer Guilhem dans nos bras à cet instant précis : « Parfois maman est hystérique, même quand t’as rien fait. Même quand j’ai rien fait… » À tous les individus n’ayant pu ou se reconstruisant difficilement une stabilité familiale ou personnelle tout simplement, ce morceau est pour vous, pour nous. « Tu voudrais être un autre, tu voudrais être un autre… » « Alors tu me craches à la gueule, pour t’prouver que tu existes… » Pas mieux.

En résumé, vous comprendrez que je conserve une énorme affection pour cette association exemplaire de deux talents extraterrestres, Guilhem Valayé au chant, à la guitare et clavier, Samuel Cajal, performer foudroyant auquel s’est joint dernièrement le batteur Johan Guidou.

En ces temps troublés ou un « chanteur » aux allures de clown-joueur de bilboquet invoque aux âmes incultes le spectre d’un Brel et qu’un groupe doué pour la communication virale et le marketing web est seul capable, en apparence, de faire s’intéresser les jeunes générations à Diabologum ou encore Expérience, les 3 Minutes Sur Mer s’inscrivent au marteau-burin de soie, dans les plaies béantes de nos attentes, en nous livrant des chansons vibrantes, foudroyantes, d’une profondeur et d’une intensité sans pareille, que seuls les pisse-froids seraient capables de dénigrer.