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Avec Mark Hollis, Dave Gahan est l’un des rares chanteurs au monde qui pourrait s’exprimer a cappella : le résultat serait tout de même… émotionnel. Car de la voix génialement désincarnée de Speak and Spell et Construction Time Again aux fêlures de « Barrel of a Gun », en passant par l’incarnation gospel de « Condemnation », c’est à une constante évolution que nous convies le singulier parcours de Gahan. Aujourd’hui, en solo ou bien avec Depeche Mode, l’ex icône new-pop possède le beau costume d’un grand, d’un très grand chanteur soul. Sans doute car Dave Gahan ne sait pas tricher avec les mots : qu’il se réapproprie les lamentations du comparse Gore ou bien qu’il se lance lui-même dans l’écriture à des fins hautement thérapeutiques, celui-ci ne fonctionne qu’en play blessure. Pour Dave Gahan, la musique se conçoit (et se délivre) avec les tripes, le cœur et une forme de passion typiquement religieuse.

Se pose néanmoins un problème : une telle voix mérite, exige dorénavant, la plus grande des musiques. Les deux derniers albums de DM ne remplissaient le contrat qu’à moitié (ou au tiers) : si Dave devait hier ajuster son chant aux compositions de Martin Gore, aujourd’hui ce timbre soul ne fait qu’intensifier des orchestrations parfois (mais pas toujours) en deçà des attentes procurées par un nouveau Depeche. Lors de ses deux albums en solitaire, Gahan a écrit quelques magnifiques morceaux (« Hold On », « Kingdom ») qui n’atteignaient cependant pas la quintessence absolue du chef-d’œuvre « Nothing’s Impossible » (plus beau titre écrit par Gahan, plus beau titre de DM des dix dernières années, sur l’album Playing The Angel). Car à l’instar des actuels Morrissey ou Ian McCulloch, Dave Gahan ne connaît que Sinatra en matière d’infranchissable ; dommage que la musique ne soit plus vraiment à la hauteur de telles envolées…

Confirmation avec cette deuxième collaboration entre Gahan et les anglais de Soulsavers. Pendant que textes et voix provoquent le frisson, les sonorités puisent dans une allégeance bluesy un peu trop attendue. Grattes et section rythmique font leur boulot, mais rien de plus. Manque une réappropriation (façon Nick Cave), une tension (à la PJ Harvey), du rugueux (Smog), n’importe quoi sauf le respect de la tradition. Du coup, c’est le chant de Dave qui donne les mélodies, qui s’insinue dans le travail de Soulsavers et engendre l’inattendu. Grand chanteur, petite musique.

Il s’agit peut-être également d’un syndrome typique des voix supérieures. Que faire lorsque le chant atteint un niveau quasi biblique ? Trouver une musique qui puise dans les racines du blues, qui remonte aux origines pour identifier l’actuelle imploration aux vocalises black des premières constructions ferroviaires américaines. En même temps, comme le démontrait son album Hourglass, Gahan conserve un pied dans l’électronique (n’est-il pas un précurseur, dans ce domaine-là ?). Reste donc à Martin de n’écrire qu’en fonction du registre offert par Dave ; ou bien à Gahan de lâcher son très attendu troisième opus sous son propre (et seul) nom… Quant-à Soulsavers, eh bien peut-être un jour (« but not tonight ») !




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