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Il fait bon être à Lyon en cette année lorsqu’on apprécie le rock tendu et osant - après le grandiose bordel de Piniol (Bran Coucou), l’explosion frénétique de fuzz de Noyades, ou encore la traînée de cendres du génial trio L’Effondras, Zëro -les anciens Deity Guns ou Bästard - reviennent depuis peu sur le devant de la scène avec San Francisco il y a deux ans, puis une collaboration avec Virginie Despentes, et maintenant un nouvel album à la pochette apocalyptique, annonçant une musique sombre et éclatée, mais aussi protéiforme.

Dès l’ouverture « Adios Texas », le ton est donné : un côté course sans fin de la batterie qui exalte, une mélodie rappelant des thèmes de Morricone, jusqu’à l’éclatement couplé des cuivres râlants d’une part, des guitares de l’autre : l’on entre dans l’album comme on arriverait sur un champ de bataille, en pleine action, sans prévenir, par détonations. Les premiers morceaux ne font d’ailleurs pas mentir cette mise en bouche, puisqu’on poursuit en haute forme avec les premières incursions de la voix de conteur, proche d’un Enablers, sur un morceau qui s’étend pour finir sur des chutes de piano et des sursauts du synthétiseur mourant, avant d’être rattrapé par la batterie entêtante, roulante de « Marathon Woman », qui ne fera que mettre les nerfs de plus en plus à l’épreuve sur une escalade en puissance courte et enivrante.

Par la suite, Zëro réussi son pari d’offrir un album éclectique en relâchant la bride : parfois les percussions se feront plus tribales, parfois la voix plus torturée, difforme, parfois les riffs plus tranchants, les cuivres plus arrondis, plus marqués : comme une tentative aboutie de touche-à-tout, comme si Zëro retournait à une forme d’innocence, d’imprudence créative ici, et faisait d’Ain’t That Mayhem un grand terrain de jeu, d’expérimentations noise rock, étonnamment facile à aborder (peut-être par ce côté jeu justement, peut-être par la large galerie de choses essayées), quelque chose proche de la joie bambine de la (re)découverte, de la surprise.

C’est peut-être la sobriété bienvenue de quelques morceaux, venant gonfler presque naturellement, mêlé à cette candeur étonnante qui allège ce qui aurait pu être un supplice de Post Rock mou ou de Noise Rock trop savant : l’évidence même par l’exemple avec « We Blew It », extrait clippé logiquement choisi pour représenter l’album : une boucle de guitare où se greffent les contrebasses, percussions, cuivres sobres et justes, pour se déliter en toute discrétion sur la fin.

A alterner entre les pistes courtes - presqu’interludes pleines de perturbations électroniques, d’énervements brefs, de saccades - et les plus longues, où les instruments respirent plus et la voix peut se faire rauque et monstre, rampante, ou claire et évocatrice, les pianos transparaître derrière les nappes lunaires, le voyage « beau bizarre » proposé par Zëro s’achève aussi vite qu’il nous a pris, avec en guise d’adieu : des synthés perturbés qui bouclent, un vocoder qui rappellera ce qu’on avait pu entendre chez Suuns plus tôt dans l’année, en plus réussi ; et un sourire devant tout ce qu’on a pu vivre en l’espace de quelques morceaux dans lesquels on ne veut plus que se rejeter.




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