On ne va pas en remettre une couche sur l’année écoulée. Elle nous a permis de sentir à quel point l’art - et la musique en particulier - nous était particulièrement indispensable, vitale pour certain·e·s, et que faute de concerts, les albums qui se présentaient nous devenaient d’autant plus précieux.
Spéciale, cette année a aussi eu une conséquence relativement inattendue : j’ai finalement écouté beaucoup de musique mais avec une attention insuffisante, en travaillant, la faute à l’absence de déplacement en voiture (car oui, on y est plus attentif à la musique) à partir de mars. Un peu frustrant de ne pas pouvoir écouter au long cours les albums coups de cœur, les découvertes et tout ce qui fait le sel des voyages vers un concert, ou vers l’ouest, ou les 2 en même temps !
Passé ce préambule personnel que d’aucun pourrait juger ennuyeux, il faut reconnaître que 2020 a plutôt été un bon cru côté musique avec beaucoup, beaucoup de très belles choses… je ne citerai que ceux que j’ai le plus écouté, pas de classement, pas de notes, hein.
Protomartyr – Ultimate success today (Domino)
Déjà le 5e album pour ce groupe de Detroit abusivement classé dans le fourre-tout "post-punk" et dont le dernier album, moins immédiat, plus nuancé, qui nécessite une écoute très attentive pour appréhender sa richesse. Et qu’une envie, là : découvrir cet album en live !
Loma – Don’t shy away (Sub Pop)
2e album inattendu, et nouveau coup de maître pour Loma qui, excusez du peu, se permet d’accueillir Brian Eno sur un titre… Le chant d’Emily Cross survole l’espace d’une musique impressionniste, rêveuse, jouant sur les ambiances et les textures sonores.
Laetitia Shériff – Stillness (Yotanka)
Le retour tant attendu de Laetitia Shériff avec un album à guitares, un album de combat, en phase avec son époque troublée, à la fois inquiet pour l’avenir et ouvert sur le monde, superbement produit et arrangé. Que dire de plus ? Qu’on a hâte de la voir le défendre sur scène !
Eskimo – Que faire de son cœur ? (autoproduction)
J’en ai déjà beaucoup parlé cette année, mais il faut le répéter ici : cet album est une pépite à écouter absolument, un joyau pop piochant allègrement dans d’autres styles pour s’aventurer dans des expérimentations, tout en restant complètement accessible.
Throwing Muses – Sun racket (Fire records)
Retour en très grande forme du groupe historique de Kristin Hersh, avec un album ramassé, efficace et contrasté, avec des couches de guitares, de sons parfois étranges et bien sûr la voix inimitable de la chanteuse.
Foxeagle – Waves on water (Last Disorder / Atypeek music)
Foxeagle trouve une voie bien personnelle entre le dépouillement & la lourdeur, la lumière et la noirceur, et une voix qui impose le respect, à la croisée entre Shannon Wright et Mary Ruth Rundle, juste pour situer.
Ausgang – Gangrène (Aparté)
Après 2 albums avec Zone Libre et beaucoup d’autres projets solo ou non (tous hautement recommandés), retour du crossover rock/rap pour Casey et ses acolytes : un album coup de poing ou les mots et les instrus sont pertinents et percutants.
Sprain – As lost through collision (The Flenser)
Découvert au hasard d’un titre aux accents furieusement "unwoundiens" posté sur les réseaux, qui ne pouvait que me plaire, ce groupe allie le bruit et son absence avec une certaine dextérité, dans de longues plages où le chant lutte avec le silence et les sons à parts égales.
Les Marquises – La Battue (Les Disques Normal)
Cet album est un OVNI. Dans leur discographie, et tout court. Surprenant, retord, troublant, sombre, mais finalement indispensable, tant les atmosphères développées vous happent pour ne plus vous lâcher.
Lane – Pictures of a century (Vicious Circle)
Cet album est vite devenu une somme de classiques pop-noise, meilleur compagnon des rares trajets en auto, car l’alliage de mélodies et d’une musique vitaminée de la meilleure essence (hey, ce sont des ex-Thugs / Daria tout de même !) promet des réjouissances renouvelées à chaque écoute.
Bob Mould – Blue hearts (Merge records)
Bob revient seulement un an après son lumineux "Sunshine rock", mais le ton s’est durci : les titres ne dépassent pas 3 minutes et évoquent la période peu enthousiasmante que nous vivons, côté environnement, social, politique… Un de ses meilleurs albums solos !
Matt Elliott – Farewell to all we know (Ici d’Ailleurs)
Matt Elliott comme le vin se bonifie avec l’âge. Cet album fait déjà figure de classique (à la manière d’un Leonard Cohen), tant il sonne juste à chaque note, chaque mot, et où chaque arrangement prend sa place pour magnifier le propos.
Versari – Sous la peau (T-rec / Declared Goods)
Après un Ostinato entêtant paru il y a déjà 7 ans, Versari est de retour avec la même formule : en power trio, pour une musique tendue, un chant en français avec cette voix grave envoûtante. Imparable.
Activity – Unmask whoever (Western Vinyl)
Découvert fort tardivement en cette fin d’année (merci Matthieu Malon !), c’est sans doute la nouveauté non pas la plus surprenante, mais la plus évidente, tant tout me plaît dans ce disque indie-rock avec un soupçon d’électro et un poil d’expérimentations : les compositions, les voix, les ambiances ambivalentes, le graphisme, les photos, bref, un disque fait pour moi. Pour vous ?
Inflatable Dead Horse – Love songs (We Are Unique records)
Une écoute distraite… et puis l’oreille est happée par un jeu, une tension, une émotion, une suite de notes qui "met les poils". On se réfère à certains maîtres en la matière (Gun Club, Wovenhand pour ne citer qu’eux), mais c’est évidemment beaucoup trop réducteur : cet album est bien plus que ça.
J’aurais aussi pu parler de tous les disques qui suivent, car chacun mérite que l’on s’y attarde :
EP :
Cosse – Nothing belongs to anything (Grabuge records / À tant rêver du roi records)
Groupe découvert lors d’une soirée Last Disorder à Dijon, avec chant principalement masculin, Cosse assoit son style avec une aisance désarmante, et prouve qu’on peut encore explorer dans le post-rock avec brio et inventivité.
David Chalmin – Continuum (Ici d’Ailleurs)
EP numérique, une très bonne suite à l’excellent 1er album solo sorti l’an passé de cet homme à tout faire qui nous introduit ici dans une suite électronica / ambiant tout autant sombre que lumineuse.
Suuns – Fiction (Joyful Noise recordings)
EP de transition, les titres présents ici ont été enregistrés entre 2015 et 2020, et même si on est moins surpris à son écoute, on se laisse tranquillement baigner par les expérimentations sonores du désormais trio. Vivement la suite.
Rééditions :
Séance rattrapage : Comment ne pas citer également l’album percutant de Gontard – 2029 (Petrol Chips / Ici d’Ailleurs) sorti en 2019 qui m’a beaucoup accompagné en début d’année (et a loupé le top 2019, Aïe Caramba !).
Comme à chaque fois, j’agrémente mon bilan annuel des très rares (et néanmoins beaux) concerts auxquels j’ai assisté en début d’année :
Mellano / Soyoc @ La Scène Michelet, Nantes
Big Thief @ L’Epicerie Moderne, Lyon
Comment ne pas aussi évoquer les indispensables Low qui depuis avril, nous ont proposé quasiment tous les vendredis soirs de l’année un mini-concert de chez eux… <3