> Critiques > Labellisés



Après plusieurs écoutes du nouvel et quatrième album des Irlandais de Fontaines D.C., je peine à fixer mon impression, aussi vais-je humblement la poser ici, quitte à me dédire plus tard.

A la fin des 80s, le succès grandissant, les mancuniens James, menés par un Tim Booth il est vrai assez charismatique, se virent the next big thing, au point de chasser sur les terres internationales d’un U2 qui n’en demandait pas tant, occupé qu’il était à entamer une bien surprenante et plutôt réussie mue (remember Achtung Baby). Gold Mother (1990) puis Seven (1992) atteignirent la deuxième place des charts anglais, mais l’Amérique se refusait à James. Alors, quoi de mieux pour percer aux States que de s’offrir les services de Brian Eno, coproducteur de The Joshua Tree, c’est à dire l’album qui ouvrit à Bono et ses comparses les portes du pays de l’oncle Sam ? S’ensuivra Laid, de loin le meilleur disque de James, un chef d’œuvre de minimalisme et de beauté mélancolique qui… what ? Mais on voulait conquérir le monde, nous ! Oui, Laid est un énorme malentendu. Il contient un tube taillé pour les radios universitaires qui, à l’époque, malgré MTV, conservaient encore une certaine influence, ce Sometimes enthousiasmant et roboratif, mais le reste du disque était de l’art (à priori, Brian Eno fut trop convaincant et fit dérailler le projet), plutôt que de la pop, et si les Anglais percèrent vaguement aux USA, ce fut un coup d’épée dans l’eau. En un seul opus,on a le sommet discographique, une déclaration d’impuissance, le début de la chute, le déclin d’un groupe incapable de jouer sur ses forces, faute de se connaître ou savoir ce qu’il veut.

Et justement, l’écoute du Romance des Fontaines D.C. me laisse un arrière-goût de Laid, de par son ambition bancale – élargir le registre tout en restant musicalement intègre, marier expérimentation et grand public, se montrer lisible et opaque, crever le plafond de verre. Il y a également que, sur le poignant In The Modern World, Grian Chatten chante comme Tim Booth. Troublante, étrange familiarité. Le morceau – départi de ses fioritures par ailleurs habiles, notamment les gimmicks vocaux RnB des refrains – pourrait figurer sur Laid, ainsi que, dans une moindre mesure, l’assez anecdotique folk rock Bug.

Pour le reste, sur cet ambitieux Romance, on aura du hip hop gouailleur (Starburster, flow circa Eminem), de la pop post grunge 90s (Here’s The Thing rappelle furieusement Weezer ; le refrain de Desire m’évoque les Manic Street Preachers ; Death Kink a un petit côté Pavement metal), des trucs hippie groovy à la Tame Impala (Sundowner, chiant), et du love (l’introductif Romance, très réussi), pas mal de love. Produites par le moelleux et néanmoins percutant James Ellis Ford (Klaxons, Arctic Monkeys, Depeche Mode), les onze compositions de Romance ratissent large : au vu des registres abordés, on a l’impression de se promener dans un cabinet de curiosités, malicieux et attendrissant, d’autant plus que l’album se laisse facilement apprivoiser, mais bordélique. En voilà un drôle de disque, hyper accessible, hyper efficace, canaille en diable, sans tube ni fil conducteur, un disque grand public un peu malade, à l’image de sa pochette qui… qui quoi ?

Oui, la pochette ! Elle est abominable, non ? Bah la pochette fait partie des dissonances qui entourent Romance. En effet, le groupe signe sur un gros label (XL Recordings) mais le visuel illustrant l’album est un repoussoir, Grian et ses potes composent des chansons assez classiques qu’ils parasitent à coups de bizarreries savoureuses, ils ont une apparence vestimentaire de chiens de la casse qui ne colle pas du tout avec leur musique de néo lovers, on traduit ça comment ? : « On est des rebelles, n’achetez pas notre disque !!! » ou « On est des rebelles, achetez notre disque pour vous aussi devenir des rebelles » ou « On des rebelles en plastique, achetez notre disque !!! » ?. Bref, je m’y perds. Peut-être que la quête de cohérence n’a aucun sens. Il s’agit d’art, de fun et de fric, rien d’autre. Ainsi, seul le temps nous permettra de savoir si ce quatrième opus aura été le sommet et / ou le début de la chute des Fontaines D.C., lancés dans la quête d’un succès qu’ils semblent désirer à reculons, un peu comme une promise en chemin vers l’autel se mettant à douter du bien fondé de son union avec un type qu’elle n’est pas certaine d’apprécier plus que ça.




 autres albums


aucune chronique du même artiste.

 interviews


aucune interview pour cet artiste.

 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.