Nous avions fait connaissance avec la Berlinoise Annika Henderson fin 2010, lors de la sortie du quasi-éponyme album Anika, résultat de sa rencontre avec Geoff Barrow. L’album, composé principalement de reprises ( Master of War, I go to sleep, Yang Yang…) et quelques textes signés par le duo ( No One There, Officer Officer), séduisait à la fois par le son et la production aux accents dub de l’architecte sonore en chef du génial projet Beak >>(*) et par le charme vénéneux de la voix grave et légèrement lancinante de la demoiselle, charme auquel il était difficile de ne pas rendre totalement les armes devant des prestations scéniques envoutantes en 2011.
Et puis plus rien, jusqu’à l’annonce de la formation de ce nouveau projet, là aussi fruit d’une rencontre à l’issue d’une série de concert solo en 2014 au Mexique avec Martin Thulin, Hugo Quezada et Amon Melgarejo qui l’épaulait à cette occasion.
Il y avait donc une forme d’excitation primaire à se plonger dans l’écoute de ce nouveau projet, mais aussi une certaine d’appréhension liée à l’absence de l’ex-Portishead d’une part, et de l’autre au fait que Exploded View s’annonçait un album en prise directe, basé sur l’improvisation facteur de prise de risque et de méfiance additionnelle.
Lost Illusions, pose d’emblée une ambiance vrombissante de basse et de batterie ombrageuse, pesante presque moite sur laquelle la voix de Annika se pose telle une prêtresse troublante et incantatoire : « stop, stop, looking and observe ».
Premier morceau envoutant auquel succédera un peu plus loin Orlando, porté par une base rythmique précise et métronomique que des claviers limpides allègent emportant avec eux les derniers signes de résistance aux déhanchements lascifs estivaux : tube de l’été 2016. Imparable.
Dans une moindre mesure peut-être en terme d’instantanéité, No More Parties in The Attic relève de la même efficacité dans la construction d’une base rythmique solide densifiée grâce aux apports des claviers offrant ainsi un écrin sur-mesure au chant d’Annika qui prend tout son potentiel de désirabilité vénéneuse au cours des 4mns de Gimme Something quatrième vraie réussite du disque.
C’est d’ailleurs peut-être cette présence incontestablement magnétique, qui souligne une des limites du disque. En effet, au-delà de ces quatre morceaux clés (habilement positionné sur le tracklisting, et qui méritent amplement à eux seuls de se plonger dans le disque), c’est bien souvent sur le pari de ce seul argument que les morceaux se reposent les rendant, au fil des écoutes prévisibles (Killjoy, (One Too Many), anecdotiques (Stand your ground ; Lark Descending ; Beige), voir à la limite de l’exaspérant Disco Glove.
Il est peut-être préférable d’attendre de voir le groupe sur scène (**) pour se faire un jugement définitif sur Exploded View. Né dans ce cadre, le groupe saura probablement donner une autre dimension, un souffle additionnel aux morceaux qui font de cet album un disque estival globalement agréable, mais inégal et, à ce stade, infiniment frustrant.
http://explodedviewband.tumblr.com/
(*) : Le dernier EP du groupe intitulé KAEB sorti en 2015 est une pure folie obsessionnelle dont la chronique pourtant mille fois méritée n’a jamais quitté le statut de l’intention du chroniqueur laxiste. Hors sujet, peut-être, quoique pas tant que çà finalement tant l’écoute enchainée de Lost Illusions et de The Meader laisse à penser qu’entre agréable et indispensable, la frontière est mince et qu’elle pourrait bien s’appeler dans le cas présent Geoff Barrow.
(**) : Concerts en France : Route du Rock – St Malo - Samedi 13 Août 2016 Point Ephémère - Paris - Jeudi 18 Août 2016